Casse Magique
Feat Negev et Greed
Sodosopa. Il avait l’impression que ce n’était pas sa place. Et étrangement, il avait l’impression d’être chez lui. C’est un sentiment qui n’avait aucun sens, une grande contradiction qui trouvait son sens dans les paroles de Lacheal, l’ancienne agent de Hope qui la mena jusqu’à un loft dans les quartiers commerciaux de la ville. Cet endroit, cette habitation … Elle était abandonnée depuis des dizaines d’années. Entretenue, mais inhabitée… Et le livre, porté par le mannequin à l’effigie de sa défunte femme, n’avait plus besoin d’être accompagnée par la mage pour savoir le chemin. L’instant où il était dans ce quartier, il marchait plus vite, il savait où il allait, c’était inscrit dans ses pages. Un désire fugace, irrépressible de … Rentrer à la maison. Enfin retourner à la maison.
La cuisine, le salon, la salle de bain, il marchait lentement dans chaque pièce, la main du pantin touchant les murs, touchant l’architecture. Pour la toute première fois durant sa vie de livre, son cœur se serrait à retrouver des souvenirs clairs. Pas seulement des « impressions », des « sensations », pas seulement ressentir qu’il était en couple par le passé. Se souvenir qu’il était en couple. Cet endroit était sa maison pendant un moment. Il y avait tout un atelier de travail dans une pièce … Une bibliothèque dans l’autre … Ils avaient un grand bain, une grand lit, une collection de roche précieuse, une autre de morceaux de glaces éternelles … Ses deux collections, désormais détruites… Cela les représentait tellement. Entre autres domaines, il était avant tout un géologue passionné et elle ? Une puissante mage élémentaire. Le livre était chamboulé, mélancolique … Paniqué ?
La raison de sa présence ici ? Lacheal, cette mystérieuse demoiselle… Elle prétendait connaitre sa femme lorsqu’elle était vivante. Elle prétendait le connaitre. Le Tractatus fut prit d’une telle impulsion qu’il força presque cette mage à lui en dire plus, à l’aider à retrouver la mémoire mais bien entendu, cette dame semblait au dessus de tout ça. Elle jouait avec lui. Ne lui disant rien, lui montrant dans un jeu peut-être pervers. Ils avaient scellé un pacte. Elle apprend ce qu’elle désire de ses pages, elle lui apprend les secrets de son contenu et de sa nature. Si cela n’a pas porté ses fruits pour l’instant, il était heureux de l’avoir rencontré, peut-être désolé aussi de l’avoir un peu brusqué, mais au moins il avait retrouvé cet endroit.
Celle-ci le suivait d’ailleurs dans le loft, l’air amusé, croisant les bras d’une manière élégante. « Sienna et toi résidiez ici pendant plusieurs années … Avant de déménager pour la campagne. Tu n’étais pas à ta place. Tu n’avais ni la classe, ni la prestance, rien. Le voisinage ne te crachait pas dessus mais c’était tout comme. »
Oui, Sodosopa était un quartier bourgeois. Quelque chose qui allait très bien à sa femme. Lui ? Il savait au fond de lui qu’il venait d’un monde différent, bien plus petit, bien plus pragmatique et moins luxueux. Il s’accrochait à elle et c’était la seule chose à laquelle il pouvait s’accrocher ici … Sienna … Il avait oublié son nom … Comment pouvait-il ? Revoir cet endroit lui fit réaliser une chose … Il avait un trou dans la tête. Il avait une blessure au cœur. Il avait une marque noire sur l’âme. Si le Tractatus de Monstrum, le livre, avait une volonté propre … Pourquoi l’avoir choisis lui ? Il n’est ni un guerrier, ni un mage, ni preux, ni courageux…
En observant leur chambre à couché, il se souvenait qu’ils se couchaient simplement sur le lit, l’un à coté de l’autre, à fixer un miroir magique sur le plafond qui montrait non leur réflexion mais le ciel étoilé d’Akerys. Un moment simple, simple et pourtant si nécessaire. La blessure dans son cœur s’agrandissait à chaque instant passé ici, et pourtant, il ne voulait pas partir. Il se remémorait de plus en plus, des petites choses, des traits de sa personnalité qu’il avait oubliée … Sienna avait le sang plus froid que la glace. Elle était la bête qui grondait dans ses os. Elle obtenait tout de lui une fois qu’ils étaient seuls. Elle l’avait aux creux de ses mains. Il essayait de respirer, sans succès … Car l’air qu’elle lui offrait était damné. La prendre dans ses bras, il avait l’impression de toucher des ronces.
Mais il s’en fichait. Ses mains étaient son paradis. Elle avait deux petites cornes comme le diable … Et c’est ce qui l’envoutait à ce point là. Un amour irrationnel qui prenait son sens dans un seul fait. Elle était trop bien pour lui. Elle n’avait aucun intérêt à le marier. Il n’était même pas mage. Il était un paria. Il était le rebut de l’humanité en Akerys. L’infection que personne ne voulait approcher. On aurait pu croire qu’une femme comme elle s’enticherait d’une personne de pouvoir pour s’élever elle-même en même temps mais non. Elle l’a marié, lui. Elle a ralentit ses projets, descendu dans l’échelle sociale … Son caractère difficile mais il était le seul à pouvoir la comprendre. C’est ce qu’elle lui disait lorsqu’il lui demandait pourquoi. Elle était un poison et il en était accrocs …
Au bout d’un moment à méditer sur sa propre existence, sur les souvenirs qu’il retrouvait petit à petit, le pantin retourna le livre dans ses bras pour que l’œil du Tractatus puisse voir le pantin qui le tenait. Elle avait l’air d’une marionnette mais il voyait son vrai visage. Sienna avait un sourire si malsain et magnifique…
« Tu dois te demander pourquoi je ne te raconte pas simplement ce que je sais sur toi et Sienna, n’est-ce pas ? » Le livre tourna son œil vers elle. « Le Tractatus de Monstrum … Il brille pour une chose. La manipulation d’âme. Il possède ton âme, il la brise pour l’incarner dans tes pantins, il utilise l’âme de créatures pour se battre … N’est-ce pas ? » Elle l’avait examiné que très peu de temps et pourtant, elle semblait comprendre tellement plus de choses que n’importe qui d’autre. « Si tu ne sais même pas ton nom, comment pense-tu pouvoir devenir quelqu’un ? Le Tractatus de Monstrum a trouvé une coquille vide pour s’y installer. Si cette coquille est occupée … Il ne pourra plus y habiter. Voila mon premier conseil pour honorer notre engagement, mon cher. Retrouve qui tu es. Prend le contrôle de la situation. C’est une chose que tu dois faire seul, cependant. L’âme est quelque chose de fragile et complexe. Je crains de ne laisser que plus d’opportunité au livre de s’agripper à toi si au lieu de te rafraichir la mémoire, je te brisais.»
Pour la première fois depuis qu’il la connait, Lacheal parlait avec sérieux. Il pouvait comprendre d’où ce conseil venait même si cela restait confus. Comment lui raconter comme ils se connaissaient d’une vie passé allait le rendre … Mal ? Le déstabiliser ? Le « briser » ? La mage semblait savoir ce qu’elle faisait, cependant. C’était frustrant mais sur le moment, il ne pouvait s’arracher de cette mélancolie. Et dire que Sienna était morte … La professeur vint prendre la main du pantin pour le tirer à elle, son sourire taquin revenant sur ses lèvres.
« Je voudrais te présenter quelqu’un. Peut-être que cela te remontera le morale. Je suis désolée d’avoir commis tant de désarroi mais laisse-moi me rattraper. Je suis sûre que cette personne te fera retrouver le sourire. Il y était toujours parvenu, de ton vivant ~ »
Le livre eut l’air ennuyé sur l’instant. Maintenant, elle jouait avec lui sans s’en cacher ! Ses insinuations, elle devait parler d’un vieil ami mais clairement, est-ce que cela allait aider son morale ? Cette dame était une vrai peste … Et pourtant, le sourire figé sur la couverture était finalement approprié. Lacheal était une peste … Cela le fit rire de penser à ça. Il semblait attirer les pestes. Sienna en était une. La pire de toutes. Quelle ironie.
Après une petite marche hors de ce quartier, ils finirent par voir une tour au loin, exactement là où elle voulait l’emmener, visiblement. Mihawk était une ville commerciale et en tant que tel, cet tour était tout autant une habitation qu’une attraction pour les touristes. Elle semblait vieille, après tout. Un peu une tache dans le tableau blanc, immaculé de Sodosopa. Il croyait d’ailleurs que c’était pour cela qu’il y avait des gardes devant la tour. Un bien belle attraction que cela pourrait faire pour les pigeons prêt à dépenser leur argent. Il ne se doutait pas que ce n’était pas du tout pour cela, cependant.
« Peut-être que son nom te rappela de bons souvenirs … Il s’appelle … Elyas ~ »