- Il y a quelqu'un ?
Sautillant, grimpant et trottinant sur la cime des arbres, je continuai de me rapprocher de la source de l'appel à l'aide. Je restais inquiète à l'idée de tomber dans un piège, mais il semblait définitivement être sincère. Néanmoins mes doutes s'effacèrent très vite lorsque j’aperçus une humaine plongée dans un nuage de ronce. Elle était immobile, sa robe tachée de quelques perles de sang témoignait de sa situation, elle ne semblait pas vraiment être là de son plein gré. J'hésitai une seconde, c'était dangereux, mais je ne pouvais pas laisser quelqu'un dans cette situation. À quoi cela servait de fuir et de se cacher si au final je ne suis pas capable de venir en aide à ne serait-ce qu'une personne.
Je pris un instant pour respirer, vidant mes poumons de mes doutes pour les remplir d'une inspiration de courage. J'ai une idée.
Je posai mon sac sur une large branche, en sortis une paire de cordes faites de liane souple et vins me positionner au dessus de l'aventurière malchanceuse. Elle n'avait pas vraiment d’échappatoire, étant encerclée par un océan d'épines, même fuir par le haut était hors de question, mais il y avait bien une solution pour lui ouvrir un chemin. J'attachai les cordes à une branche large et bien solide avant d'en enrouler une autour de ma taille. Je repérai un trio de branches visiblement déjà abîmée et qui pouvait être assez lourdes pour faire remuer les buissons plus bas, les faire tomber aller tirer les ronces sur les côtés et ouvrir un petit passage, mais il allait falloir être rapide. Il y avait plus d'une dizaine de mètres entre elle et moi, c'était beaucoup, mais ce n'était pas ma première fois. Je laissai le temps à mon cœur de s'apaiser et de se préparer un peu. Accroupi au dessus de ma cible, je saisis ma fronde, pris un instant pour viser, et tirai à la base des branches. Libérées de leur fébrile attache avec leur arbres, ces dernières plongèrent dans la masse à pointe en dessous, laissant une ouverture se former au dessus de la femme à la manière d'une fleur qui ouvrait ses pétales. Je me laissai basculer dans le vide, et me jetai vers elle.
Mon abdomen se souleva un peu durant la chute en paniquant légèrement, mais j'avais l'habitude. Je souris tandis que l'air venait faire virevolter ma chevelure et ma queue. C'était toujours un plaisir de s'élancer dans les airs ainsi, de frôler le danger.
Ce fut à quelques mètres de la demoiselle que l'élasticité de la corde commença à freiner ma course, ralentissant la chute libre jusqu'à me laisser suspendre au niveau de l'humaine. Tout s'était passé comme prévu, mais maintenant que j'étais face à elle, je restais silencieux. Mon regard se perdit dans ses yeux rubis tandis que je cherchais quelque chose à dire. Qu'est-ce qu'on est sensé dire dans un moment comme cela ? N'allait-elle pas avoir peur ? Et si elle m'attaquait ? Je lui fis un hésitant signe de la main pour la saluer, lui offrant un petit sourire timide, les oreilles couchées sur la tête, et lui dis :
- Bonjour ?
Mais je sentis déjà la tension revenir dans la corde et endentai les ronces revenir, il n'y avait pas de temps à perdre, et je risquais de la blesser encore plus si je n'arrivais pas à l'extirper maintenant. Avec rapidité et précision, je glissai l'autre corde derrière la femme, à peu près au niveau de sa taille, avant que les lianes ne décident de me faire faire le chemin retour à toute vitesse.
C'était une manœuvre acrobatique à laquelle j'étais habituée, mais cela n’était peut-être pas le cas pour elle. Craignant qu'elle glisse ou bien qu'elle soit catapulter au loin, je laissai mes mains agripper les siennes avec juste assez de force pour la diriger et éviter qu'elle ne bascule ou se dirige là où il ne fallait pas. Je me sentais rougir et paniquer encore plus tandis que je touchais une inconnue sans même lui avoir dit deux mots - j'en avais dit qu'un seul jusque-là - mais ce n'était pas la politesse qui allait la sauver.
Le retour en hauteur se fit en un instant et une fois arrivé au niveau des branchages, je me précipita d'y grimper et d'amener avec moi mon invitée. Il y avait assez de place pour plusieurs sur ces épaisses branches qui dominaient le ciel et elle ne risquaient de casser avant plusieurs dizaines de kilos en plus. Ce n'est qu'une fois posé sur une plateforme stable que je me rendis compte des griffures qui ornaient maintenant mes bras et de la douleur que j'avais jusque-là ignorer et qui me fit couiner longuement. À vouloir jouer avec les épines, je m'y était frotter moi aussi.
- Aïeuh...
L'adrénaline commençait à redescendre et je m'écartai de le jeune femme, inquiet qu'elle ne réagisse de façon violente tout en venant récupérer mon petit sac. Si j'étais déjà craintif lors de notre premier face à face, cela ne s'était absolument pas amélioré avec le sauvetage et je vins même me réfugier derrière ma large queue timidement en priant pour qu'elle ne se mette pas à crier, prêt à déguerpir à toute vitesse face au premier signe d'agression.
- Hum... Bonjour... Je m'appelle Huatu...
Mon cœur battait la chamade. C'était la première humaine que je rencontrai hors de mon ancienne meute. Je ne savais pas ce qu'il pouvait se passer.
J'avais peur...
Dernière édition par Huatu le Lun 30 Mar 2020 - 21:07, édité 1 fois