Premières débâcles
Solo
Aux abords de la ville, elle se sentait telle une fourmi. Animal insignifiant face à l'écrasante taille immensément grande qu'était la palissade de fortune. Lotie sur l'amas rocheux, le bastion n'en était que plus impressionnant encore. Plus Zari s'en approchait, plus elle se sentait infime, minuscule. Le pis fut lorsqu'elle se retrouva devant les deux gigantesques portes la dépassant aisément de plusieurs mètres. Elle dépassait à peine le mètre cinquante. Certes, elle n'avait pas fini de grandir, mais même dans quelques années, tout au plus, mesurerait-elle dix ou quinze centimètres de plus. Alors que cette porte, démesurément haute, dépasser largement les cinq mètres de haut. Qu'était le titan à vivre ici pour avoir besoin d'une entrée aussi. . . Impressionnante. Un frisson lui parcourut le corps et, depuis son arrivée ici, celui-ci n'était pas dû au froid.
Par un malheureux réflexe, afin de se donner le courage nécessaire pour franchir le piteux portail de bois renforcé grossièrement d'acier, elle inspira une profonde bouffée d'air qui lui glaça les poumons. Lui coupant d'avantage le souffle qu'autre chose. Elle toussa. Éternua. Attira ainsi l'attention d'un garde pataud qui ne l'avait sans doute pas entendu arriver jusqu'ici. Normal, pour un menu fretin comme elle, déjà fort discrète naturellement et d'autant plus grâce à ses babouches. Même le bruit de son corps tremblant n'était guère aisé à discerner.
Un grognement, le plus caverneux qu'elle n'ai jamais entendu, surgit depuis l'arrière de la porte tandis que cette dernière se mit à grincer. Le natif gigantesque l'ouvrait suffisamment pour que l'adolescente ne se retrouve face à lui, bien que cinq bons métres les séparaient. Depuis ses orteils fort peu protégés du froids, jusqu'à la crinière de cheveux nullement entretenus coiffées en diverses tresses, Zari observa le natif de ce monde nouveau.
Un géant. Que dire ! Un titan à côté d'elle. L'enfant des sables était obligé de lever la tête à s'en faire mal à la nuque pour parvenir à décortiquer les traits de son visage. Des traits simples, ridées par une vie de dur labeur dans des conditions fort peu enviable, un visage sauvage et féroce. Un regard pourtant bovin. Une montagne de muscle sans intelligence.
Le barbare eut une réaction presque similaire, mais inversée. Il commença par regarder à sa hauteur, s'attendant à faire face à l'un des siens, puis ses yeux se baissèrent progressivement jusqu'à voir le minuscule et chétif gamin qui le dérangeait à une heure pareille. Il grogna dans sa barbe touffue à nouveau, puis, termina d'ouvrir la porte et avança d'un pas lourd dans la direction de Zari. Son unique pas réduit la distance qui les séparait de quasiment moitié, la mettant mal à l'aise. Allait-il attaquer ?
"Kröll, viens voir s'qu'on a la. Trop marrant." Beugla-t-il en détournant le regard vers ce qui se trouvait derrière la porte. Probablement, l'un de ses collègues garde qui, justement, vint passer le haut de son corps pour observer ce qu'il y avait de si amusant.
"Oh, haha, bordel, c'est qu'il est p'tit celui là.
- J'te l'fais pas dire. Il se remit enfin à regarder Zari. Qu'est ce tu viens faire ici nabot ?
- Cher... Chercher un peu... peu... peu de chaleur... bégaya-t-elle à cause du froid.
- Qu'il est drôle. Paye s'tu veux passer. Il tendit la main pour recevoir la monnaie. C'est la loi ici."
Merde. C'était pourtant fort envisageable, pourquoi n'y avait-elle pas pensé. Ça aurait été plus simple de s'infiltrer, la barrière est simple à gravir pour quelqu'un d'aussi petit qu'elle, nombreuses sont les prises accessibles. Bien évidemment, Zari ne pouvait s’acquitter de cette somme, elle ne possédait pas l'argent locale, pas sur que la Simsirienne suffise. Néanmoins, ils n'avaient pas l'air fort malin, elle pourrait peut-être les arnaquer facilement. Et puis flûte, elle n'allait pas s'arrêter contre eux, elle sortirait sa lame s'il le fallait, même si elle préférait l'éviter à cause de son état.
D'une main tremblante, elle vint farfouiller sous l'une de ces ceintures de tissu et y attrapa sa bourse qu'elle sortit immédiatement. Elle sortit ensuite quelques pièces d'or qu'elle vint placer, après une avancée méthodiquement minutieuse, dans la main du géant. Un nouveau frisson la parcourut alors qu'elle était proche de cette patte gigantesque, plus grande que sa tête. D'un simple revers, si la force de l'homme était ce à quoi elle s'attendait, Zari se ferait propulser de quelques mètres. Les piécettes teintèrent en tombant dans la paluche qui se referma aussitôt.
Le garde amena sa main à ses yeux et observa l'argent. Flûte, plus rusé qu'elle espérait. Il l'observa longuement. "Quoi ça ? De l'or ?
- Ou... Oui, des pi... piè... pièces.
- Nous pas vouloir pièce, mais truc utile. Comme arme que tu as dans l'dos."
L'espace d'un instant, moment aussi fugace qu'impulsif, Zari eut l'envie de dégainer son arme et de le trancher sans plus tarder. Il était en position de faiblesse, désarmé, même si c'était une montagne de muscle, il devait bien pouvoir être découpé. Néanmoins, le dénommé Kröll derrière s'était avancé et avait quitté l'embrasure de la porte. De plus, elle doutait quant à la vitesse à laquelle elle parviendrait à exécuter cette action. Sans doute trop lentement. Si elle avait survécu en chassant et traquant des bandits et créatures fantastiques, c'était bien parce qu'elle se préparait pour cela, elle étudiait sa cible. Or, présentement, elle n'avait aucune idée de qui elle s’apprêter à affronter.
"Pas po... possible. Finit-elle par répondre.
- Alors tu passes pas.
- O... Ok, je vais repartir." Accepta-t-elle. Zari n'avait guère d'autres choix pour l'heure que de rebrousser chemin et tenter sa chance en escaladant. Aussi fit-elle quelques pas en retrait, ne désirant pas leur tourner le dos immédiatement. Qui sait de quoi les natifs étaient capable pour cette arme qu'ils venaient de repérer. Mais à peine recula-t-elle de quatre pas en arrière que le premier à être sorti fit à nouveau un pas, recouvrant la surface qu'elle venait de parcourir. "Pas si vite. Ton arme, on la garde, que tu rentres ou non. Aller, donne la !"
C'est le moment de courir ma fille, moque toi du froid et tu survivras. Sans tarder et avant que le colosse ne prenne l'initiative, elle fit volt-face et détala tel un lapin dans la pente qui permettait de quitter la plaine pour atteindre le point culminant du bastion. Bien qu'il lui fallait deux pas pour couvrir la surface d'un seul des leurs, elle fut bien plus rapide qu'eux, commençant à les distancer à vue d’œil. Ils beuglèrent des jurons qu'elle ne comprit guère et dont elle se moquait bien, fallait-il dire. En contrebas, elle apercevait des amas de buissons et de fourrés bien plus grand qu'elle. Il lui serait aisé de se cacher au milieu d'eux. Aussi changea-t-elle légèrement de direction pour s'y diriger. Sauta de monticules rocheux en bosses d'herbes jusqu'à les atteindre.
Tout en reprenant son souffle, elle rampa à travers les herbes qui la recouvraient intégralement. Une véritable fourmi au milieu de cette nature dense. Puis, une fois le sentiment de danger dissipé, elle prit la peine de se relever et d'observer si ses assaillants la poursuivaient toujours. Ce n'était pas le cas. Ouf, elle l'avait échappé belle. Bon sang, qu'est ce qui t'a pris ? Maintenant, t'es encore plus mal en point. Elle frotta ses vêtements en pestant, jurant qu'elle devrait les laver avec vigueur pour faire partir les taches vertes nouvellement acquises, puis jeta le dévolu de son regard vers la palissade qu'elle serait contrainte d'escalader.
T'es pas au bout de tes peines !