Echos du Passé

D'une main, Jillian écarta la sueur sur son front. Elle s'assit un instant par terre, le regard fixé sur l'étrange machine qu'elle était en train de réparer. Solarii avait le chic pour créer des choses bizarres, tout aussi déconcertantes qu'enthousiasmantes. Jamais elle ne s'était autant amusée, ni pris la tête, que depuis son arrivée dans ce monde. C'était quand même autre chose que la magie. Moins de facteur chance et génétique. Ici, elle pouvait tout faire. Elle n'avait jamais été aussi contente de travailler dans un environnement purement mécanique que depuis la mission à la station spatiale.  

Une variation dans la lumière d'une de ses sphères, posées devant elle, lui fit redresser la tête. C'était un genre de système d'alarme qu'elle avait mis en place : les mouvements des ombres dans son atelier étaient reliés en permanence à sa magie. Et c'était une ombre trop grande pour un rat, un oiseau ou un insecte. Quelqu'un était entré. Rien d'étonnant à ça, en vérité. Elle était normalement encore dans ses heures de travail, donc n'importe qui pouvait être entré pour lui donner quelque chose à réparer, ou à améliorer. Enfin, n'importe quoi du genre.

Elle ne s'inquiéta donc pas particulièrement, et ne se posa pas vraiment de questions. Elle se contenta d'essuyer le noir sur ses mains et ses poignets, histoire d'être relativement présentable, et elle reposa son chiffon sur une table, un peu à l'arrache. Même si elle n'avait pas la moindre idée de qui était là, débarquer avec les mains et les bras dans cet état n'était de toute façon pas une idée lumineuse.

Franchir l'angle qui la menait à la zone principale de la pièce lui révéla un homme totalement inconnu, aux cheveux noirs et aux yeux d'un bleu presque trop éclatant pour être humain. C'était peut-être le cas, d'ailleurs. Elle ne l'avait jamais vu, et il n'avait clairement ni la dégaine, ni l'attitude de quelqu'un qui venait pour une quelconque demande liée à l'atelier. Elle plissa légèrement les yeux et croisa les bras, un air interrogateur peint sur le visage. Un simple hochement de tête fut la première réponse qu'elle lui donna, pour confirmer son identité.

La suite lui tira un frisson désagréable, et elle se mordit la langue, son expression passant de l'interrogateur à une pointe d'inquiétude. Tout ce qui remuait le passé d'Hannah, son passé, pouvait rapidement lui porter préjudice, ou faire remonter des choses lointaines qu'elle ne tenait pas à voir réapparaître. Sa sœur était morte, elle avait enterré avec elle son ancienne identité.

- Qu'est-ce qu'il peut bien y avoir d'autre à découvrir sur la mort d'Hannah ?

Elle aurait voulu être plus sèche, et simplement lui dire de partir, mais elle sentait dans son apparence qu'il n'était pas le genre d'homme à qui on dit "fous-moi la paix" comme s'ils étaient des parasites. Quelque chose dans son regard. Et s'il était un enquêteur des Jewelers, il ne partirait pas sur un simple non.
Ou peut-être, simplement, qu'une partie d'elle tenait véritablement à connaître la véritable nature de son enquête, et ce qu'il cherchait vraiment. Une part d'elle lui soufflait que les informations qu'elle stockait dans un coin de sa mémoire n'y étaient pas étrangères. Mais Jillian n'était pas censée les connaître.