Le monde tournoyait tout autour de moi. Mes derniers souvenirs tourbillonnaient dans ma tête comme un ouragan enragé, le tout autour de son oeil, un seul et unique instant, la dernière chose qui me paraissait réelle: La lumière du soleil, concentrée en un seul cercle au dessus de ma tête, illuminant un instant ma prison de pierre et d’eau, la dernière chose que je verrais de mon monde.
Puis, cette lumière se fit happée par l’ombre, l’ombre d’une stèle refermant ma cage, dévorant la lumière telle une éclipse. Une éternelle éclipse. Je me rappelais avoir hurlé… avoir imploré pour qu’il me fasse sortir… mais les ténèbres étaient là, devenues mon foyer, par l’acte de mon propre père.
Etait-ce vraiment ça, la réalité?... Mourir au fond d’un puit, oubliée d’un monde qui ne pouvait m’accueillir, … dans lequel je n’avais pas ma place… parce que cette ombre qui m’accompagnait était bien trop dangereuse?....
Lentement, mes sens se rétablissent. Mes narines se remplirent de l’odeur boisée et exotique de cette forêt inconnue. Mes oreilles rencontrèrent le doux son du vent dans les feuilles, du chant d’oiseaux lointains et mystérieux, des mots d’une jeune fille ayant rencontré le même sort. Et enfin, mes yeux purent apprécier la lumière verte et dorée qui habillait ce merveilleux endroit, ainsi que cette même personne, ayant accouru pour me porter secours.
Quelle réalité voulais-je vraiment? Celle qui se trouvait au fond d’un puit, dans l’eau, le froid et les ténèbres, ou… celle-ci? Un monde nouveau et libre, plein d’opportunités où j’aurais peut-être la chance de trouver ma place?
Alors peut-être était-ce encore une hallucination… Ou peut-être que quelqu’un, là-haut, avait-il eu assez pitié de moi pour m’accorder un miracle. Je n’en savais rien. Mais, en cet instant précis, il n’y avait qu’une seule réponse que je pouvais donner à cette interrogation::
Est-ce que ça a vraiment de l’importance?Mon esprit redescendit sur terre dès lors que la faucheuse me toucha le bras, tirant pour me relever. Un froid soudain m’envahit alors, puis une douleur cuisante au niveau de mon bras. Raven m’avait dit de ne pas le toucher ! Mais c’était elle qui venait de le faire… je la fixais alors, le regard endoloris, plein d’incompréhension. Puis, la surprise mêlée à la souffrance se transforma un instant en colère, une colère froide et cruelle, une colère incontrôlable venant d’une partie jusqu’alors cachée de mon âme, et, alors que j’observais intensément la jeune fille, mon esprit n’était focalisé que sur une seule pensée :
Tu vas mourir. J’entendis une branche se briser sur un arbre proche, et s’écraser au sol, sous la pression de mon intention qui prenait forme.
Mais dès lors que le contact fût rompu, la douleur s’estompa, et mes forces commencèrent dès alors à revenir. Je secouais alors la tête, chassant ces pensées et cette émotion sortie de nulle part, avant de tenir mon bras un peu engourdi. J’observais Raven, qui semblait aussi confuse que moi:
“Je...merci... “C’était comme si j’étais entré en contact avec la mort elle-même. Mais était-ce aussi son toucher qui m’avait inspiré tant de haine envers elle?... La mort ne devait pourtant apporter aucune émotion particulière… j’aurais plutôt dit qu’elle amplifiait les émotions fortes déjà présentes. Etais-je si haineuse?... Non, il faudrait que je lui demande.
Mais ce fût Raven qui prit l’initiative de me questionner. La faucheuse voyait l’espérance de vie restante des gens, ce qui était très étrange, mais pas...tant que ça, pour une agente de la mort, je pouvais imaginer? Néanmoins, elle voyait chez moi… deux auras? Mon visage s'assombrit alors, car je pensais bien comprendre d’où venait la seconde… et j’aurais espéré qu’elle ne m’ait pas suivie:
“Je… ne sais pas. Ma mère était médium, et mon père…”Je me stoppais un instant, le regard vide, alors que je pouvais presque entendre des vagues, loin dans mes souvenirs… :
“... Elle ne m’a jamais dit qui il était. Tout ce que j’ai de lui, c’est ce cristal. Et… je ne sais pas si ça a un lien avec lui, mais… il y a toujours eu quelque chose, proche de moi. Une ombre… qui fait du mal aux gens. J’ignore ce qu’elle est, mais… elle a toujours été là. C’est peut-être elle que vous avez ressenti, parce qu’elle est probablement dans les parages… j’ignorais qu’elle était venue avec moi… Mais c’est pour ça…. que je ne veux pas vous déranger longtemps. J’ai peur qu’elle vous blesse, vous aussi...”Puis, à mon tour, je la questionnais:
“Quand vous m’avez touchée, je… j’ai eu très froid, et très mal, pendant un instant. Puis c’était comme si…. Je me suis mis à vous haïr, tout d’un coup, et voulais vous faire du mal C’est votre pouvoir… de faucheuse, alors?”