Dahlia
Gardilho
「Retour aux sources」
Dahlia déglutit, seuls des mauvais souvenirs pouvaient se raccrocher à sa vie au sein de la secte du pays. Elle qui vouait un culte à ces dieux qui ne voyaient en eux que des pions sur leur échiquier géant.
« Ce qu’on dit est vrai, plusieurs fois on voyait des enfants arriver, complètement perdus...» Elle se souvenait des pleurs, des supplications pour revoir leurs parents, jusque tard dans la nuit.
« Je crois que j’ai commencé les entraînements à quatre ou cinq ans, c’est assez flou... Au début ce n’était pas grand-chose... On courrait beaucoup, on apprenait les frappes... Je crois que c’était plutôt un moyen de nous apprivoiser... C’est vers huit ans qu’ils sont devenus plus durs, ils nous rabaissaient beaucoup quand on échouait, nous faisait nous entraîner plus que les autres, en disant que ça nous apprendrait à ne pas honorer les dieux comme il faut, que c’était parce qu’on était désobéissants qu’on finissait ici... »
La mère de Dahlia apporta du thé chaud et lui tendis une tasse en céramique. Ce qu’elle racontait lui donnait des frissons, elle avait à présent peur de connaître la suite. La jeune brune enserra le récipient de ses doigts et profita de boire une gorgée pour faire une pause. Le liquide mentholé, épicé et sucré lui réchauffait la gorge. Elle n’était plus sûre d’avoir envie de raconter tout ça, mais le regard insistant de sa mère, lui fit comprendre qu’il le fallait. Durant 24 ans elle s’était demandé ce qu’était devenue son enfant, aujourd’hui il était là devant ses yeux. Sohan fixait sa sœur de ses yeux brillant de curiosité, au fond de lui il avait toujours eu une sorte d’admiration pour ces hommes et ses femmes qui se battaient pour leur vie quand ils auraient pu abandonner.
« C’était pire d’année en année, on a commencé les simulations et plusieurs ont fini par craquer, et j’ai failli moi aussi quelques fois, ça semblait tellement plus simple... »
Nerveuse, la combattante commença à faire craquer les articulations de ses doigts, sa tasse à moitié pleine reposant sur la table en pierre. Plus ils prenaient de l’âge et plus leur sentence se rapprochait. A ce stade, Dahlia se souvenait avoir ressenti plusieurs émotions aussi chaotiques les unes que les autres. Un coup la rage prenait au ventre, un autre elle laissait place à un désespoir insurmontable, seulement... Dahlia avait fini par choisir la première option. Pharah ne s’attendait pas à entendre ça, elle allait porter sa tasse à ses lèvres mais son geste resta suspendu dans les airs. Imaginer sa fille se donner la mort pour échapper à cette prison lui retourna l’estomac. Elle sentit de nouvelles larmes monter et ferma les yeux pour les arrêter.
« Mais, chaque fois que je le voyais, j’avais... J’avais tellement envie de lui faire payer un jour, que j’ai décidé que je ne mourrais pas comme ça ! » Dahlia serra la tasse entre ses doigts, comme pour canaliser cette colère déformant sa voix.
La mère de famille pu voir pour la première fois sa part guerrière, son regard était devenu si froid, sa voix emplie de rancune. Pharah était une ancienne sacrifiée, cet air sur son visage, elle savait traduire ce qu’il signifiait... Elle n’eut pas besoin de demander à sa fille comment elle voulait lui faire payer, c’était écrit, il n’y avait qu’une seule façon. Et la potière ne pensait pas avoir la force de l’en dissuader, lui qui avait conduit la chair de sa chair à une mort quasi certaine.
« Comment était-il avec toi... ? » Se risqua-t-elle de demander. Elle ne voulait pas la forcer à parler davantage de son expérience, voyant bien que ça la perturbait.
« Oh le plus gentil du monde, j’étais le parfait petit soldat... »
Un air sombre prit place sur les traits de la brune, elle détestait parler de lui. Pharah afficha une mine déconfite, sa mère ne put que lui tenir la main pour exprimer à quel point elle se sentait désolée.
« Si j’avais pu le revoir, je ne sais pas ce que j’aurai fait. »
« Certainement la même chose que moi... »
Les deux femmes s’échangèrent un regard assez intense pendant plusieurs secondes, la même pensée leur traversa l’esprit, telle mère, telle fille. Toutes deux voulaient se venger de cet homme qui les avait trahis de la pire des façons. Mais Pharah restait une mère malgré tout.
« C’est trop dangereux, n’y retourne pas. » Tenta-t-elle pour la dissuader.
« Je ne changerais pas d’avis... maman, et puis j’ai vécu avec le danger, je suis sûre qu’il me fera une fleur. » Dit Dahlia avec cynisme.
Pharah soupira et afficha un air résigné, elle s’y attendait. La mère ne pouvait s’empêcher d’admirer cette jeune femme devant ses yeux. Le seul souvenir qu’elle avait était celui d’un poupon rose, gigotant, criant et à présent il était devenu une femme forte et indépendante, tout ça sans elle... Au fond sa présence n’avait pas été utile, était-ce normal de ressentir une telle chose, la mère se le demandait et s’en sentit coupable. Comme si un lien s’était instantanément formé entre les deux femmes, Dahlia su ce que son regard traduisait.
« Soit prudente, je t’ai déjà perdu une fois... » Ajouta la potière, une grande tristesse visible dans ses yeux d’ambres.
La Zephyrienne hocha la tête et finit son thé, à présent froid mais toujours aussi bon à ses yeux.
« Si j’ai tenu jusqu’à maintenant, c’est aussi dans l’espoir de te voir un jour, au moins une fois... Maintenant que je t’ai retrouvé... Ca me fait encore plus mal, j’aurai pu être apaisée, mais c’est l’inverse... »
De son souvenir Dahlia n’avait jamais parlé autant, elle se sentit soudainement épuisée, comment mettre des mots sur ce qu’elle ressentait pouvait demander autant d’énergie. Pharah caressa la joue de sa fille du pouce, ne supportant pas de la voir ainsi. Un silence s’empara de la pièce quelques secondes, comme pour laisser les émotions de ces retrouvailles redescendre, quand Sohan se manifesta.
« Apprends-moi à me battre aussi ! » Lâcha l’adolescent d’un air déterminé.
« Sohan ! » S’effara sa mère.
« Mais, un jour j’aurai l’âge et ça se trouve - ! » Il tenta de s’expliquer avant d’être coupé.
« Ne dit pas ça ! »
« Il n’a pas tort... Mais je ne vais pas rester assez longtemps pour t’apprendre quoi que ce soit. » Le calma d’emblée Dahlia.
Pharah refusait catégoriquement l’idée qu’on lui retire également son deuxième enfant, ce serait bien trop à supporter. L’adolescent s’affaissa sur sa chaise, croisant ses bras sur la table pour y poser sa tête.
« Pourquoi tu peux pas rester... ? Puis tu viens d’où d’abord ? »
« C’est compliqué... »