Time is a valuable thing

« Euh…je suis désolée de vous déranger, mais…vous ne devriez pas vous préparer pour la soirée ? » prononça une voix semi-artificielle, m’extirpant partiellement d’un semi-sommeil dont j’avais bien besoin. Jusqu’alors, le seul bruit que j’avais entendu était le tic-tac monotone de l’horloge accrochée au mur, seule réelle décoration achetée depuis mon arrivée en cette station. La montre parlante était posée sur une petite table moderne, à côté d’une tasse de thé dont il restait encore un fond framboise-menthe, froid depuis plusieurs heures. C’était un parfum pas trop mal, mais sans plus.

Le téléviseur dans le mur d’en face était allumé, présentant une simple piste de lecture contenant divers morceaux de musiques classique, cependant le son était coupé. L’IA s’en était probablement chargée peu après mon presque-endormissement, allongée dans le canapé du salon. En pyjama, mal coiffée et montrant clairement l’intention de me replonger dans le royaume de Morphée, je ne devais  vraiment pas avoir l’air d’une personne décidée à participer à une soirée qui allait commencer dans moins d’une heure.
Mais quel évènement pouvait donc bien être fêté aujourd’hui ? Eh bien mon adhésion au sein des agents de Hope ! La mienne, et celle d’autres collègues arrivés à peu près dans le même période, qui s’étaient jurés de fêter ça à l’Andromeda, m’ayant invitée à faire de même. En fait, j’avais un peu éludé ma réponse à leur proposition, et dans leur enthousiasme ils avaient du considérer ça comme un Oui.

« Hmpf. » fût cependant ma seule réponse, dans l’immédiat, me retournant dans le canapé en recouvrant ma tête de la fine couverture bleue à fleurs d’or qui servait habituellement à protéger le sofa de la poussière, mais avait aussi bien souvent comme utilité de me recouvrir pendant mes –nombreuses- siestes.

« Hem… je suis vraiment navrée de devoir insister, mais je crois que Miss Proxima ne devrait pas tarder à venir vous chercher. »
«  … »
« Si…si elle arrive, dois-je lui ouvrir la porte ? »
«  … »

Il y eût un nouveau moment de silence, perturbé seulement par le mouvement de l’aiguille. L’horloge, indiquant 17 :49,  était accrochée dans le couloir menant au salon, et si elle paraissait tout à fait banale, quelqu’un ayant un sens affiné du surnaturel remarquerait cependant qu’une légère modification y avait été appliquée. Un enchantement si basique qu’il demeurerait actif même dans un environnement dépourvu de mana. Pas éternellement, bien sûr, mais bien assez longtemps pour remplir son but.
Bientôt, l’ordinateur imita à nouveau la parole :

« Mademoiselle Grimbald ? Miss Proxima vient d’arriver…je devrais lui ouvrir, non ? Pour… ne pas la faire attendre ? »

Ignorant délibérément l’outil, je me redressais doucement, gardant le drap sur moi, afin d’aller accueillir ma collègue et amie de moi-même.  C’est donc dans un état que l’on pourrait qualifier de déplorable que je vins déverrouiller la porte, saluant d'un léger geste celle qui se trouvait derrière :

« B-bonsoir… »

Musique

‘’Oh non, tu va pas t’en tirer comme ça !’’ Faisait la demoiselle, alors qu’elle était en train de pilonner encore une fois sa manette. Heureusement que cette dernière était sans fil, car vu comment jouait la Centrenuit, cela aurait put être une catastrophe. Lorsqu’elle se prenait à un jeu, elle déplaçait, secouait et gesticulait la manette dans tous les sens, ce qui aurait été fatal à n’importe quelle console qui aurait été connectée ! Des fois, cela lui prenait même d’utiliser par mégarde ses pouvoirs pour décoller et s’affranchir de la gravité. Defiant les lois de la physique, elle n’allait pas se plier face à un nouvel ennemi, qui était bien particulier.

‘’Je maitrise le code de ce jeu, vous ne pouvez espérer me vaincre.’’ En effet, l’IA de la Centrenuit s’était invitée dans la partie, rendant cet affrontement comme l’ultime combat entre l’homme et la machine, même si cela pouvait aussi correspondre à la lune entre un paquet de donnée et un autre… Donc au final, étaient-elles si différentes ? Proxima serait sans aucun doute la pire IA du monde, vu comment elle agissait au quotidien.

‘’Manges-mes roues !’’ Fit-elle, en jouant l’aggressivité, rentrant au corps à corps. Les deux voitures virtuelles étaient en train de faire de dangereux dérapages, sur une zone qui normalement n’était même pas possible de navigation. Il fallait dire que la carte hors-piste était d’une complexité sans nom, mais aucune des deux ne ferait la moindre erreur !

‘’Votre vitesse est inférieure à la mienne, vous ne pouvez remporter cette victoire !’’

Je roule sur l'asphalte comme j'ai roulée sur ta machine ! Répondit la Centrenuit en prenant la corde, rendant ce match d’autant plus difficile… La ligne d’arrivée se faisait sentir, et il n’y aurait de place pour une égalité. L’une des deux… Devrait perdre…

‘’Au fait, vous ne deviez pas aller à cette fête pour la promotion des nouvelles recrues ?’’

‘’Bien essayée, mais ça ne fonctionnera pas !''

‘’C’est aujourd’hui.’’

‘’Wait what ?!’’ Fit-elle, en faisant l’erreur de se déconcentrer, ce qui fit gagner l’IA. ‘’Hey, c’était pas juste !’’

‘’C’est ainsi que les choses sont !’’ Se vanta l’IA, avant de reprendre : ‘’Mais il est vrai que cette fête est aujourd’hui.’’

‘’Eh bah, heureusement que j’ai préparée ma tenue alors !’’ Traficotant un peu sa montre, la demoiselle retombait sur ses deux pieds, nouvellement vêtue, avant de sourire, et de partir ! Il fallait qu’elle soit là tôt si elle voulait rencontrer tout le monde, voir toutes les nouvelles têtes ! ‘’Mais à mon retour, je prends la revanche !’’



Il ne lui fallut que peu de temps pour se dépécher d’arriver à la première étape, à savoir… La chambre d’Emily ! En effet, c’était sa fête à elle aussi, et Proxima voulait s’assurer qu’elle serait fin prête ! C’était dingue tout de même, elle n’avait genre pas du tout vu le temps passer entre le moment où elle arrivait sur la station, et le moment où elle était devenue une agent… Elle s’en souvenait comme si c’était hier ! C’était dingue !

‘’Heeelllll…’’ Commençait-elle à faire, alors que la porte s’ouvrait, pour montrer Emily dans un état plutôt… Peu approprié pour la réception qui allait se tenir… Elle venait de se réveiller ou quoi ? ‘’Llloooo… ?’’ Terminait-elle, d’une voix plus douce qu’elle avait commencée, avant de reprendre : ‘’Gosh, mais qu’est-ce qui s’est passé ? T’as eu la saugrenue idée de faire un « Before » ? Diantre, c’est chauuuuuud ! T’as pas l’air bien en forme…’’

M. Centrenuit se tenait là, dans une magnifique tenue, prête à faire des ravages dans une soirée qui s’annonçait joyeuse, festive. Mais son attitude radieuse s’effondra lorsqu’elle me vit, tournant bientôt à l’inquiétude. Avais-je l’air si mal ?...  Naturellement, elle voulait comprendre ce qu’il m’arrivait, et personne ne pouvait lui reprocher ça.
En fait… quelque part, si. Juste un petit peu, et très injustement. Mais ça, elle ne pouvait pas encore en être consciente.

Je restais muette un moment, laissant le son de l’horloge ponctuer le silence quelques secondes. Une fois décidée de ce que j’allais pouvoir lui dire, j’affirmais :

« J-je dois être un peu malade. »

Un mensonge délibéré. Ou une vérité déjà admise ? La mage astrale serait la seule à pouvoir en juger, à interpréter, à tirer les choses au clair. Mais voulais-je vraiment continuer à mentir ? Après tout, j’avais déjà eu ce que je cherchais. Mon but était déjà rempli, et il ne restait qu’à attendre la récolte des conséquences. Au final, cacher la vérité, masquer la vérité,  cela ne faisait plus aucune différence. Cependant, M.Centrenuit en savait déjà beaucoup, plus que je n’aurais voulu en dire, mais ce n’était pas nécessairement une mauvaise chose.
Cela n’entraînait qu’une seule contrainte.

« Et le temps p-passe si vite… E-enfin, vous devriez rentrer, je vais…o-oui, voilà, je vais me préparer. » Dis-je tout en me dirigeant vers le salon, laissant la porte ouverte pour l’inviter à entrer. Ma couverture fût négligemment jetée sur le canapé, et je m’empressais d’aller poser la tasse de thé dans le lavabo du coin cuisine.

« Vous devriez le mettre au lave-vaisselle, non ?... » Se permit d’avancer la montre, toujours depuis la table du salon.

Au final, j’ignorais si c’était sa voix ou non, mais cela me fit stopper un court instant. Et songer à un sujet n’ayant aucun rapport, que j’exprimais à voix haute, à l’intention de l’invitée :

« I-ils m’ont dit…l-la même chose que vous, a-au final. Que je devrais plutôt rester en arrière ligne.  Ils veulent me convaincre de me focaliser s-sur l-les choses plus rares, c-comme la thaumaturgie et les familiers. Parce qu’ils trouvent que c’est moins « remplaçable », e-et que mon comportement au combat n’était…p-pas rassurant. »
Tout en parlant, je pris la montre entre mes mains, la regardant quelque secondes en hésitant, avant de finalement la laisser tomber. Celle-ci se cogna contre le bord de la table, se retrouvant au sol :

« E-enfin, i-ils ne me l’ont pas vraiment dit, mais… v-voilà. »

Quand j’étais encore à l’école, je n’avais pas besoin d’attendre la correction d’un devoir pour connaître ma note. Ni même le devoir, d’ailleurs. Je me plantais devant M.Centrenuit, décidée à lui poser fermement une question:

« V-vous avez été la p-première à vous inquiéter de ça, e-et sans avoir besoin de me connaître, a-alors je me demandais… qu’est ce qu’il y a de s-si inquiétant à me voir aller au front ? »

L’état d’Emily n’était pas le plus rassurant du monde, d’autant qu’elle disait juste ensuite être malade. Est-ce qu’elle avait besoin d’une infirmière ? Proxima n’avait jamais encore fait de piqûre, mais elle pouvait s’y essayer sans problème. Il lui faudrait juste un instant pour changer sa tenue, mais il y en avait tant… Après tout, ce n’était pas le même fantasme en fonction des différentes cultures… Oh que de choix, que de choix… Toutefois, quelque chose pouvait aussi clocher un peu, et Emily semblait être totalement ailleurs, même si elle laissa entrer la Centrenuit, qui s’exécuta.

L’intérieur n’avait pas vraiment changé, si ce n’était quelques petites décorations d’un côté et de l’autre. Emily semblait s’accommoder un peu à la vie sur Hope, malgré l’omniprésence de la technologie et de toutes ces choses. L’IA qu’elle avait semblait être bien plus effacée et discrète que pouvait être Cortania pour la gardienne des astres, mais en même temps elle ne pouvait nier que ce duo était aussi intéressant… Donc pour le moment, elle restait là, alors qu’Emily avançait jusqu’à se stopper, pour exprimer… Ce qu’était réellement la maladie qu’elle avait…

‘’Oh…’’ Fit Proxima en se sentant un peu coupable, alors qu’Emily expliquait qu’Hope avait eu la même réaction que la gardienne, comme quoi Emily devrait plutôt rester à l’arrière plutôt qu’en première ligne, comme quoi elle serait moins remplaçable vu ses qualités... Et donc forcément, la question vint à être posée, comme quoi Proxima avait été la première à penser ceci… Etait-elle tombée dans ce traquenard ? Lorsqu’on lui avait proposée ceci… Hum… Il semblait bien en effet. En haut à droite de l’écran s’inscrivait : ‘’Proxima s’en souviendra’’, mais l’encontre de qui ?

‘’Awé…’’ Commença-t-elle avant de se gratter la nuque… La question n’était clairement pas évidente… Mais elle allait devoir y répondre le plus honnêtement possible, et cela risquait de demander qu’elle admette quelques points. ‘’Bah… Je dirais que c’est le défaut de l’expérience. Vouloir que les plus jeunes aillent sur des terrains où ils ont plus de facilités, plutôt que les terrains qu’ils apprécieraient plus mais où ils éprouveraient de nombreuses difficultés… Car cela permet d’éviter les catastrophes… Tout du moins, c’est ce qui semble…’’

Elle posait sa main contre son menton, avant de poursuivre, toujours en intense reflexion :

‘’Et je pense que je n’y ai pas échappée… Je veux dire… Tu as clairement les capacités pour ces choses, et ces tests le prouve, mais… Est-ce qu’il faut orienter les gens sur ce qu’ils peuvent faire, ou sur ce qu’ils doivent faire ? C’est un débat de société, une nouvelle fois… Mais tu sais quoi ? Renversons ce débat ! On prend la table, et on la retourne !’’

Elle affichait un sourire plus confiant, plus déterminé, pour essayer de donner un peu plus de peps :

‘’Alors peut-être que par inquiétude pour toi, je t’ai conseillée d’éviter le mur que je pensais qu’il pourrait y avoir ! Mais lorsqu’il y a un mur, on peut s’arrêter devant, ou bien on peut frapper tellement fort qu’il part en éclat !’’

En même temps qu’elle disait ceci, elle claqua des doigts, pour que son index devienne rougeâtre, avant de dessiner à la peinture une cible en plein milieu de son ventre, bien rouge.

‘’Il n’y a pas milles chemins ! Si tu refuses ce destin, il te reste une solution, et c’est en mettant le plus fort coup possible sur ce mur ! Et pas simplement un coup, je veux tout ton potentiel, magie et tout ! Qui sait ? Peut-être qu’en partant en éclat, le mur pourrait aller traficoter quelques petites données par-ci par-là, serrer les bonnes pattes et rédiger des recommandations particulières...’’

Une sorte de test donc ? Voilà ce à quoi pensait Proxima. En même temps, cela permettrait d’évaluer la force offensive d’Emily, mais aussi sa détermination. Si elle était prête à frapper quelqu’un qui s’était opposée à elle, mais surtout une amie qui le lui demandait… Et dire que nous n’étions qu’au second post !

Un coup, voilà ce que M.Centrenuit proposait. Après avoir donné son avis sur cette décision, et expliqué ce qu’elle pensait de tout ça, elle me proposa de la frapper. De lui démontrer que c’était une erreur de me sous-estimer… par un exemple concret. Je ne savais quoi dire. Bien entendu, c’était tout dans mon intérêt de jouer à son jeu… Et l’idée de le faire était vraiment intéressante.
Je me plaçais alors face à elle, reculant mon bras, paume ouverte. De l’Od circulait au travers de mes circuits magiques, traversant mes muscles, les vivifiant, au point que le membre commença à trembler, comme prêt à exploser. Il suffisait de la frapper pour obtenir ce que je voulais ? Très bien, alors elle n’allait pas être déçue !
Cependant…

« …Non. »

Le mot s’échappa de lui-même de mes lèvres, et non par ma volonté. Comme si ce refus avait été à la fois prononcé pour elle et pour moi. Comme si… oui, un court instant, ma résolution avait été oubliée, au profit de l’espoir que l’agente me présentait. J’avais pourtant décidé d’arrêter d’être comme ça avec elle… de lui dire la vérité.
Je baissais donc mon bras, le libérant de l’emprise de l’Od, m’expliquant ensuite :

« J-je n’ai rien de plus à prouver… Vous avez raison. » Soufflais-je, avant de me détourner de M.Centrenuit  pour aller m’asseoir sur le sofa. Le fond de ma pensée vint ensuite :

« J’étudiais le Wing chun c-comme moyen d’auto-défense, m-mais surtout pour me rapprocher d’une amie, avant. Ça ne fait q-que deux ans que j’apprends à l’utiliser p-pour combattre de vraies menaces. A m’en servir comme outil de combat… p-pour remplacer mes familiers. Et pour p-prendre des risques. »

Pensive, je vins ramasser la montre qui était toujours au sol, jouant avec entre mes doigts :

« J-j’utilise une thaumaturgie spécialisée pour compenser mes l-lacunes physiques. M-mais mon corps ne la supporte pas bien. D-donc c’est vrai que je ne suis pas vraiment une combattante, j-juste quelqu’un qui imite celle qui m’a appris cet art…»

Un léger rire nerveux, très bref, m’échappa avant la suite :
« C-c’est idiot… j-j’ai l’impression de tellement m-mentir que je n’arrive p-plus à savoir sur quoi je vous ai dit la vérité… »

Je restais silencieuse un court instant, le temps qu’elle comprenne ce que je voulais dire. Mais les précisions arrivèrent bien vite :

« J-j’ai essayé d’être franche, m-mais…vous êtes vraiment t-trop gentille e-et je craignais… e-enfin, votre volonté de m’aider est sincère, e-et vous avez l’air déterminée, a-alors… j’ai pris un peu peur. N-ne m’en voulez pas, m-mais si je vous avais dit la vérité d-dès le début, v-vous vous seriez peut-être opposée à mon entrée à Hope, a-alors j’ai préféré cacher l’essentiel.
Mais maintenant q-que je suis une agente officielle...j-je peux vous le dire... »

Il y eût un blanc, puis un soupir de ma part. Comment le formuler ? C’était délicat… si j’étais trop franche, je n’étais pas certaine qu’elle le prenne au sérieux. Mais si ma phrase était trop évasive, elle ne la comprendrait peut-être pas et très franchement, je ne voulais pas le dire deux fois. Peut-être finalement, qu’il fallait juste aller au plus simple… et partir du sujet de la conversation :

« J-je tiens à être en première ligne, p-pas parce que ça me plaît. C-c’est simplement qu’être au cœur du danger est le meilleur moyen de… de faire ce pourquoi je suis là. »

J’eus une légère hésitation. Non, il était trop tard pour reculer. Trouvant la force de l’annoncer, je regardais mon interlocutrice dans les yeux :

« M. Centrenuit… je suis venue à Hope pour mourir. »

Musique

Un blanc.

C’était ce qui restait après ce qu’Emily eu terminée. Proxima avait été attentive. D’abord, elle avait observée avec une grande attention Emily, un peu déçue certes qu’elle ne souhaite pas aller jusqu’au bout de ses actes, de sa volonté et autre, mais ensuite, tout s’était accéléré, mais pas vraiment d’une manière brutale… Plutôt d’une manière froide, glaciale… Et millimétrée par le bruit de l’horloge que l’on entendait depuis le début de la scène. Est-ce qu’elle avait véritablement comprise le piège dans lequel elle s’était mise ? Pas encore vraiment, mais à chaque mot qui sortait de la bouche d’Emily, un étrange frison dans son dos ne faisait que l’inquiéter encore plus…

Le Wing Chun… Clairement, peut-être que ça existait, mais Proxima n’en avait pas entendue parler. Elle ne savait pas tout, même si elle était déjà bien informée… Donc Emily avait apprit cet art martial pour se rapprocher d’une amie ? Et que cela ne faisait que deux ans qu’elle l’utilisait véritablement pour se défendre… Mais aussi pour prendre des risques ? Cela se faisait. Sauver un enfant qui allait se faire écraser était un risque après tout, tout comme intervenir pour défendre quelqu’un… Mais Emily cachait quelque chose à ce sujet… Donc peut-être qu’elle utilisait une magie pour se renforcer, notamment ce que Proxima avait put voir au début, lorsque la demoiselle hésitait encore à donner oui ou non ce coup.

Et elle disait… Lui avoir mentie… sur de nombreux sujets… Pour le moment, la Centrenuit ne voyait pas sur quoi il pouvait y avoir eu un tel mensonge… Sur son histoire ? Ou autre chose… Emily expliquait que le caractère de Proxima l’avait forcée à mentir, parce qu’elle avait prit peur à cause des bonnes intentions de la gardienne des astres ? Très clairement, il y avait quelque chose que Proxima, comme quoi elle aurait surement refusée qu’elle devienne agente et tout… Mais qu’est-ce qui se tramait là-dessous ?

Le blanc que laissait Emily était mortuaire, une tombe creusée dans laquelle elle se jetait, pour ensuite la reboucher de ses mots, en expliquant que donc… Elle souhaitait au cœur du danger, pas vraiment parce que cela lui plaisait en fait, mais parce que… Parce que quoi ? Elle voulait être en première ligne parce qu’elle… Voulait…

Proxima demeura interdite face à cette nouvelle… Clairement, elle savait qu’Emily ne plaisantait pas. Elle avait beau avoir envie de prendre cette phrase d’une autre manière, de rajouter qu’Emily comptait mourir de rire sur Hope, mais elle n’y arrivait pas. Elle n’arrivait juste pas à croire ceci. Qu’avait-elle fait de travers ?! Elle s’était pourtant donnée, elle avait essayée de faire au mieux, sans jamais croire qu’elle avait échouée quelque part… Et il n’y avait pas de sauvegarde ici… Etait-elle tombée dans une impasse, dans un gouffre sans solution ?

Elle baissait petit à petit le regard, le laissant progressivement tomber alors qu’un silence douloureux s’installait. Echouée, elle avait juste… Echouée. Peut-être n’y avait-il jamais eu une solution à ceci, mais elle prenait pour elle ce fait… Elle avait juste été une incapable, incapable de voir un mensonge, incapable de comprendre les motivations d’une personne qui était son amie, incapable juste d’être là pour les personnes qu’elle souhaitait… Faisait-elle plus de mal aux autres qu’elle ne les aidait ? Si elle n’avait pas été là, Emily n’aurait surement pas eu à avoir cette difficile discussion, qui ne devait pas être plaisante non plus de ce côté-là…

‘’Il… Il y a des choses que je peux passer outre… Des choses dont je peux rire… Des choses dont je peux blaguer ou tourner en dérision… Il y a ces faits… Mais il y a ça…’’ Son poing se serrait, pas véritablement contre Emily, mais plus contre elle-même, et ce qu’elle souhaitait faire ne manqua pas d’arriver… Elle vint se donner un méchant coup dans la mâchoire, alors qu’elle serrait les dents. Devait-elle aussi se mordre la joue pour que cela soit plus douloureux encore ? Ou cela n’était-il qu’une méthode pour espérer que ceci ne soit un rêve…

‘’Pourquoi… Pourquoi Emily ? Pourquoi ça ?! Pourquoi ici ?! Pourquoi impliquer d’autres personnes dans ça ?!! Pourquoi ne veux-tu pas que les choses changent ?!!!’’ Poursuivit-elle, en commençant à être emportée par ses émotions, si bien que ses planètes avaient d’elles-mêmes prit l’initiative de décoller et de commencer à orbiter autour de la gardienne, si bien que l’on pourrait presque croire que d’un instant à l’autre elle pourrait agresser la Grimbald…

Était-ce vraiment la bonne solution ? Aurais-je dû prendre la voie facile ? Prendre la perche que m’avais tendue M.Centrenuit, la laisser m’accompagner, sans même le savoir, vers ma tombe ? Je commençais à regretter. Cela aurait été si simple… mais que serait-il advenu ensuite ? L’inévitable aurait été atteint de toute façon, et l’agente aurait appris la vérité d’une manière ou d’une autre, certainement trop tard. S’en serait-elle remise ensuite, de savoir qu’elle m’avait facilité l’accès à… la fin ?
Donc… n’était-ce pas mieux qu’elle l’apprenne dès maintenant ?  

Cependant, il y avait l’orage. Bien entendu, elle était en colère. Personne ne pouvait entendre ça et rester impassible, encore moins une âme aussi émotive. Baissant la tête, j’écoutais ses questions, sans vraiment être surprise de les entendre, encore moins de les entendre sur ce ton. Les planètes de la mage astrale réagirent à cette explosion de sentiment, et en d’autres circonstances je me serais mise en garde.
Mais pas ici. Prévoyait-elle de m’achever, ici et maintenant ?
…Non. Bien sûr que non. Le coup qu’elle s’était donné montrait bien la véritable cible de sa colère :

« S-si vous devez frapper quelqu’un… c-c’est moi. C’est entièrement d-de ma faute… J-je me suis servie de vous une fois, e-et j’ai failli recommencer… » Murmurais-je, sans quitter le sol des yeux.

Elle avait raison, après tout. « Pourquoi impliquer d’autres personnes ? », la réponse était simple : l’égoïsme. Je n’avais pensé qu’à moi, parce qu’il n’y avait eu personne d’autre à qui penser… avant :

« J-je n’aurais pas dû…me rapprocher de vous. J-je ne voulais pas me faire d’amis, je ne v-voulais pas que quelqu’un s’inquiète… »

Levant mes yeux humides vers mon amie, je laissais à mon tour les émotions parler :

« M-maintenant, je ne sais plus… je ne sais plus si c’était une bonne chose. »

Mes mains commencèrent à trembler. N’étais-je pas en train de refaire la même erreur ? La laisser me comprendre ? Attirer son attention ? Certainement. Mais c’était la seule alternative, entre ça et mentir :

« Q-quand mes familiers ont été détruits… j-je suis morte avec eux. N-nous étions une partie d’un tout… e-et je suis la seule restante. J-je ne savais plus quoi faire. J-je ne savais plus où aller… L-la guerre était perdue, m-ma meilleure amie a disparu, e-et il y avait… les conséquences de l’échec, les millions de mort… P-puis quelques jours après, il s’est passé quelque chose. »

Etait-ce quelques jours ? Quelques heures ? Ou quelques semaines ? Je ne m’en souvenais plus :

«J-je vous ai parlé… de mon don. Une partie de moi vit d-dans le présent, m-mais une autre vivait dans l’avenir… c-c’est ce que signifie prévoir le futur. C-cependant… il s’arrête. L-le temps… i-il a pris fin. L-le futur qui est entré d-dans la portée du « monde onirique »…j-je ne suis pas dedans. Je vois de m-moins en moins loin… A-alors que mes propres morts, j-je les ai toujours anticipées.»

Y’avait-il seulement ça ? Etais-je juste fataliste face à un prétendu destin, prête à accepter un futur dicté par quelque chose qui n’avait pas toujours été fiable ? Non. S’il n’y avait que ça…

« L-la première fois que je m’en suis rendu compte…ç-ça m’a fait réfléchir. Si je devais partir comme ça, qu’aurais-je laissé ?... J-je suis une catastrophe. T-tout ce que j’ai tenté… j-je l’ai empiré. Des gens sont morts par ma faute. E-et je n’ai pu sauver personne... n-ni mes amis, ni mes proches, Ils sont partis… A-alors j’ignore pourquoi m-mon futur va s’arrêter. M-mais si ça doit prendre fin, j-je veux…je veux choisir comment. J-je veux réussir une bonne chose, une fois… j-je veux infliger à toutes les menaces c-ce que je n’ai pas pu faire la dernière fois. Eliminer l-les dangers pour les autres…e-et être la seule à en payer le prix quand j’échouerais. P-puis je les ai vus…»

Tout en parlant, je regardais le vide par une des fenêtres, pensant à ce que je ferais si mon choix avait été différent :

« Un mastodonte de métal n’ayant pas sa place s-sur Terre… d-des dieux combattre. D-des hommes et des femmes luttant pour leurs idéaux…  E-et cette entité me choisir pour en faire autant. J-je pouvais devenir un cadavre isolé d-dans une chambre. O-ou être utilisée p-pour un but noble. O-on me donnait une chance, m-même si… »

Mes poings se fermèrent, et je les regardais, comme s’ils étaient la seule chose qu’il restait de moi. La plus précieuse :

« …M-même si je suis d-déjà une coquille v-vide, et condamnée… j-je peux faire mieux que dépérir sans rien faire. »

Et à ces derniers mots, mon regard se porta de nouveau sur la Centrenuit, l'observant calmement, et sincèrement. Ce qui était en moi n'était plus de la tristesse. C'était une détermination vide. Une âme se desséchant, tentant désespérément de justifier son existence avant de disparaître. Mes yeux disaient:  « Peux-tu me juger? »

‘’Comprendre…’’

Elle ne savait pas si elle avait dit ou non ce mot, à voix tellement soufflée qu’il aurait été de toute façon complètement inutile… Comprendre, c’était en effet ce dont elle avait besoin. Pourquoi Emily avait ce souhait, pourquoi elle… Pourquoi tout en fait, elle n’arrivait même plus à situer correctement tout ceci… Et même si ses émotions jouaient la culbute, elle avait avant tout besoin de savoir pourquoi tout ceci, de savoir à quel point elle allait devoir éclater sa tête contre le mur le plus proche pour expier la colère qu’elle avait contre elle-même. Clairement, la soirée qui était prévue était complètement passée à la trappe, de même que toutes les autres obligations qu’elle aurait put avoir…

Donc… Qu’est-ce qu’il y avait à comprendre ? Qu’Emily cherchait à porter la responsabilité de ceci, comme quoi elle s’était servie de la Centrenuit pour entrer à Hope, et qu’elle avait manquée de le refaire pour pouvoir accéder aux premières lignes qui lui faisaient envie afin d’y couler ses derniers jours… Mais pourtant, même si tout ceci se basait sur une chose, sur le fait qu’elle souhaitait disparaitre… Pourquoi avait-elle cherchée à rejoindre l’organisation alors ? Pour créer ce manque, ce deuil chez un maximum de personne ? Non, elle n’était pas comme… En fait, Proxima doutait à cet instant. Après tout, Emily venait de lui dire qu’elle avait mentie sur de si nombreux points et… en fait, elle n’en savait juste rien. Peut-être que toute gardienne qu’elle était, elle était juste stupide. Une horrible et stupide personne.

La Grimbald avouait donc une de ses erreurs… De s’être rapprochée de Proxima… Que les deux soient allée toutes deux si loin dans la confidence… Après tout, elle savait la véritable identité de la Centrenuit, tout comme cette dernière connaissait maintenant ce qui motivait un peu plus cette jeune femme… Celle qu’elle avait jugée comme étant son amie, une personne digne de confiance, digne de partager jusqu’à tous ses secrets, ses peurs…

‘’…Détruire…’’

Encore une fois, elle ne savait pas si elle avait dit ce mot ou non. Détruit… Tout l’était maintenant, les choses sur lesquelles elle se basait, la confiance qu’elle avait put donnée à Emily… C’était comme un coup de dague qu’elle venait de lui plantée, alors qu’elle tentait de la regarder dans les yeux, sentant certes les émotions, mais ayant du mal déjà à contrôler les siennes… Elle vacilla un peu, avant de se rattraper, main contre un mur, presque horrifiée de connaître ceci…

Détruit… C’était aussi le cas des familiers qu’avait eu Emily, disant directement qu’elle était morte avec eux… Tout comme elle avait perdue sa meilleure amie, qu’elle avait dût subir les conséquences de cet échec… Les morts, et toutes ces choses… Et d’un dernier point… Ce don qu’elle avait… Ce don qu’elle possédait, celui d’anticiper le futur… Qui s’arrêtait ?! Qu’à un moment où à un autre, ce pouvoir prendrait fin ? Comme quoi elle n’aurait plus cet avantage sur les autres… Actuellement, Proxima ne savait si elle devait prendre ça comme un soulagement ou pas, vu que tout devenait flou dans sa tête, et qu’il y avait des avantages comme des inconvénients à ceci…

Et si elle finissait par être détruite… Comme quoi elle n’aurait rien laissée qu’elle visualisait comme bon… Des morts sur son sillage, des blessures… Qu’elle infligeait… Même à Proxima en cet instant… Et elle disait qu’elle était prête à mourir, mais qu’elle devait être la seule à en payer le prix… Et qu’Hope fut l’occasion parfaite pour elle de trouver un sens à sa mort… En entendant tout ceci, Proxima vacilla de nouveau, ses jambes se dérobant pour qu’elle tombe sur ses genoux, le regard perdu, les joues humidifiées par quelques larmes dont elle avait totalement ignorées l’existence jusqu’à maintenant… Elle finit par baisser la tête, alors que ses bras, devenant aussi fragiles que des brindilles, allèrent jusqu’à trouver ses épaules, se serrant difficilement pour essayer de garder en elle quelque chose... Pour chanter, à voix douce, comme une petite comptine…

‘’Mais… Comment se construire des projets d’avenir…
Lorsque le présent… Se transforme en tourment ?

Qui peut décider… De mettre en doute ce en quoi je crois ?
Qui peut me décrire… Juste au travers de sa caméra ?
Qui peut arriver… A tracer la structure de mon moi ?
Qui le peut vraiment… Qui le peut vraiment ?

Qui peut prétendre connaître… Le sens de ces agissements ?
Qui peut mettre un nom… Sur la teneur de ces sentiments ?
Qui peut bien tout définir… Caché derrière un écran ?
Oui qui le pourras… Si même-moi je ne sais pas ?!’’

Se recroquevillant un peu plus, ses yeux se fermèrent, alors que son regard devenait sombre, sans pour autant que ses planètes ne cessaient de tourner, comme le dernier rempart… Quelques flots magiques étaient par ailleurs visibles, des décharges qui rafraîchissaient l’air ou décoiffaient les cheveux de ces deux dames, confrontées l’une à l’autre sans pourtant qu’aucun coup ne parte. C’était ainsi que la bataille se finissait, s’il y en avait une ? Elle était cruellement touchée, elle le savait bien… Ce qu’elle avait pensé indestructible avait été brisé, à savoir sa volonté d’aider la Grimbald… Sa volonté de faire quelque chose pour elle… Elle se sentait actuellement trop trahie, trop manipulée, trop utilisée, juste… Trop… Elle n’y arrivait pas en fait, son cœur étant en train de chavirer entre milles flots d’émotions…

Sa respiration s’était accélérée, d’une manière que l’on pouvait parler d’inquiétante… Ses yeux, rouverts, étaient maintenant écarquillés, comme si elle ne réalisait que maintenant tout ce que cela impliquait. Et pourtant, elle ne soutenait pas à un seul instant le regard d’Emily… Pire que ça, elle commençait à avoir des hauts de cœur, ne pouvant que déplacer par réflexe sa main au niveau de sa bouche, sans pour autant dire que cela était l’horreur de la situation ou non. Elle avait prit ceci trop à cœur, beaucoup, beaucoup, beaucoup trop à cœur… Pourquoi en était-elle arrivée là ? A accorder sa confiance à quelqu’un qui souhaitait l’utiliser par égoïsme ? Juste pour ses intérêts personnels, aussi nobles pouvait-elle trouver qu’ils étaient ?

Elle était comme en état de choc… Devait-elle arriver à cette conclusion ? Devait-elle le faire ? Il ne semblait pas y avoir d’autres chemins envisageables… La porte était là… Si proche… Mais elle était stupide. Stupidement elle. Stupide jusqu’au bout. Alors commettre une chose stupide de plus ou de moins… En quoi cela impacterait quelque chose ? Elle avait déjà une liste longue comme le bras de problèmes, mais il s’agissait là de s’enfoncer encore plus dedans… Pour ne peut-être jamais en ressortir. Mais c’était elle tout crachée, aussi extrême que pouvait-être la gardienne…

‘’…Re…’’ Commençait-elle alors qu’elle laissait ses bras retombés, devenant ballants, et que son regard devenait juste vide, pour subitement commencer à se liquéfier, ne devenir rien de plus qu’une flaque qui se répandait sur le sol. Face à cette révélation, avait-elle préférée fuir ? Avait-elle préférée ne simplement plus revoir Emily, l’oublier à jamais jusqu’à la simple appellation ? Cela renforcerait au moins la concernée dans ses opinions, comme quoi elle devait rester seule…



‘’Comprendre...’’ Se fit entendre une voix dans la pièce, qui semblait provenir d’un peu près tous les côtés. C’était toujours la voix de Proxima, mais pourtant… Elle semblait être omniprésente, comme si elle n’était devenue rien de plus qu’un esprit… Mais elle reprit forme dans un coin de la pièce, à côté de la statue de glace d’elle-même, qui était restée. Après tout, rien n’avait été dit comme quoi elle avait disparue. Pourtant, son regard demeurait vide, alors qu’elle prononçait de nouveaux mots…

‘’…Détruire…’’ Disait-elle simplement, alors que d’un simple mouvement de bras, elle faisait chuter la statue lourdement sur le sol, la brisant en plein de petits fragments de glace qui partirent sur le sol, tels l’état actuel de la Centrenuit non ? Brisée ? Un peu près, et en même temps, cela ne faisait que commencer, car elle s’avançait, le regard toujours aussi creux, en direction d’Emily, ses planètes continuant de tourner dès lors qu’elles avaient retrouvée leur gardienne et propriétaire. A combien de mètre se trouvait-elle de la jeune femme maintenant ? Un peu moins de deux ? Suffisamment peu pour que leurs ongles puissent se toucher si elles tendaient toutes les deux leurs mains… Mais elle ne levait pas les siens, les gardant simplement ballant sur le côté de son corps, pour reprendre.

‘’Ce sont les deux premières étapes de l’alchimie. Elles sont chacune très importante pour le tout, tu ne trouves pas ? Le fait est qu’après avoir comprit, nous avons besoin de détruire… C’est dans notre nature peut-être ? Cette étrange manie que nous pouvons avoir… Nous sommes tous imparfait, hum ? Des êtres faillibles… Fragiles… Manipulables… Et j’en passe tant…’’ Disait-elle, sans montrer véritablement d’émotion, comme si elle était totalement de glace, comme si le masque de naïveté qu’elle avait n’était plus dans l’immédiat… Mais elle n’avait guère finie encore, car elle reprit… ‘’Mais il manque l’étape la plus importante de l’alchimie, la plus cruciale. Pourtant, elle est facilement oubliée, facilement occultée… Après tout, à quoi sert-elle ? Quel peut-être donc son sens ?’’

En même temps qu’elle disait ceci, elle levait légèrement son bras en direction des débris de glace qui étaient éparpillés sur le sol, ces multiples fragments… Et qu’elle ne prononce un simple terme :

‘’…Reconstruire.’’ En même temps que ceci, tous les fragments vinrent à se rassembler de nouveau, accumulés en plus par l’énergie que pouvait donner en plus la Centrenuit, pour faire un grand bloc, une sorte de cube plus grand encore que la statue qu’avait fait autrefois Proxima, mais sans rien. Juste… Un bloc brut. Juste une façade lisse, de laquelle elle s’approcha, pour simplement passer sa main dessus. Si lisse que l’on pouvait y voir son reflet dedans… C’est à ce moment là qu’elle se prit d’un long soupir, pour reprendre :

‘’C’est compliqué à dire, mais je crois que je suis une idiote. Oh, en fait plus que de le croire, je dois en être une, mais complètement ! Jusqu’au fond de moi-même, jusque dans mes bottes et le bout de mon chapeau. Oh des millénaires d’expériences hum ? Des capacités hors du commun ? Le pouvoir de maitriser trois éléments ? Des gens meurent d’envie d’avoir ne serais-ce qu’un centième de tout ce que je peux faire. Pas plus tard que la semaine dernière, je me suis reçue plusieurs balles d’assaut en plein ventre. Oh mais pourtant, je suis toujours là, non ?’’

Elle parlait vite en fait, un peu trop, comme si elle voulait juste parler un peu pour ne pas dire quelque chose de profond.

‘’Donc oui, soit une idiote Proxima. Après tout, jusqu’à maintenant, ça a bien fonctionné non ? Regardes, tu es devenue agent, tu aides les gens que tu croises ! Il faut croire qu’être stupide est une qualité en ce monde. Ils sont majoritaires aussi. Qui n’a jamais eu besoin du bon sens ? Pfffff, c’est surfait. Il suffit de faire comme les autres, d’être bonne poire et tout le reste. Mais qu’est-ce que tu y peu ? Les choses sont ainsi ? Il n’y a pas de raison qu’elles évoluent !’’

Réagissant à ce qu’elle venait de dire, elle tapait dans ses mains, comme si elle venait d’être victime d’une épiphanie !

‘’Une évolution, complètement ! Oh mais c’est le sujet principal de ma grande stupidité ! Oh oui oui oui ! C’est évident en fait, complètement et absolument évident ! A peine croyable que je ne découvre ça que maintenant ! Il faut croire ça n’aide pas de l’être, de vouloir être en mesure que les choses changent, qu’elles évoluent…’’

En même temps qu’elle disait ça, elle levait le bras en l’air, l’index ferment pointé vers le plafond alors qu’elle tournait le dos à Emily, pour au final qu’un sourire vienne envahir ses lèvres, comme si elle avait mit le doigt sur sa vérité, qu’elle avait tout comprit, ou pas vraiment… Un sourire qui voulait dire…



‘’Mais c’est une stupidité en laquelle je crois !’’

…Qu’elle n’en avait pas encore finie !

En effet, elle se retournait cette fois-ci, face à la Grimbald, en ayant remplacée son air complètement vide de tantôt, sa tristesse, toutes les choses qu’elle avait dût subir en quelque chose qui la ferait carburer. Au final, c’était peut-être ça, sa plus grande force… Sa stupidité !

‘’Oh que oui, tu peux faire mieux que dépérir sans rien faire ! Et même bien mieux ! Mais ce n’est pas à moi de te dire quoi. Mais après tout, vu que tu ne m’as pas frappée tantôt, ça veut donc dire que théoriquement… J’ai toujours le droit de t’aiguiller sur une piste !’’ Elle releva le regard, avant de finalement descendre son index vers la propriétaire de l’appartement, non sans assumer un semblant de confiance.

‘’Ce qui est étrange, c’est le principe même de cette discussion. On m’a bien soufflée tantôt que tu avais dit que tu ne serais pas ici si ta résolution n’était pas absolue. Même, tout à l’heure, tu avouais avoir des doutes sur le fait de te rapprocher de quelqu’un, de te faire des amis, parce que selon ce que tu prévoyais, c’était d’affronter le mal seule, et disparaitre lorsque tu échouerais. Si c’était ça ton plan, alors nécessairement, si tu voulais y aller jusqu’au bout des choses, en quoi avais-tu besoin de te faire des amis ici ? Pour ne pas qu’ils te regrettent ? Mais après tout, ces personnes… Tu avais la possibilité de les utiliser pour aller au bout de tes convictions !’’ Souriant légèrement en coin alors qu’elle accusait tout de même directement la Grimbald, elle poursuivit : ‘’Alors Emily, es-tu en mesure de m’expliquer pourquoi avons-nous cette discussion ? Pourquoi ne m’as-tu pas frappée lorsque tu en avais la possibilité ? Après tout, cela t’aurais aidée pour ton objectif, vu qu’à ce moment là, je ne me doutais encore de rien ! Tout ceci… C’était la première étape…’’

Un court instant, elle passa la main au niveau de son menton, avant de dire, une nouvelle fois, un mot particulier :

‘’Comprendre…’’

Elle retourna néanmoins bien vite à son sourire, pour poursuivre :

‘’J’ai besoin de comprendre quelques petites chose, mais toi aussi ! Toutefois, ça parait évident, mais pour les trois qui dorment au fond du bus, je vais expliquer tout même. Cela nous amène à la seconde phase…’’ Elle eu besoin de reprendre une posture plus libre, pour dire :

‘’… Détruire…’’

Mais elle ne quittait pas ce sourire… Ce maudit sourire…

‘’Tu n’es pas allée jusqu’au bout, c’est un fait, mais pourquoi ça ? Je vais te le dire… Car tu doutes. Tu doutes de si cette voie que tu as choisie te permettras véritablement d’atteindre ce que tu veux. Tu as en même temps peur de ce que pourrais être le futur sans ce don qui t’aides au quotidien, qui t’as permit de tromper la mort à plusieurs reprises. Tu doutes du fait que nous soyons devenues amies au fil des pages qui ont été écrites, te demandant si c’était une mauvaise chose… Ou non.’’

Encore une fois, elle releva la tête, tout en marchant un peu dans la pièce, pour dire :

‘’Je me demande ce qu’aller dans cette voie t’as apportée… L’isolement ? Le fait de devenir une coquille vide ? De ne croire plus qu’une seule direction, celle qui te semble être celle de la pénitence ? C’est des faits antérieurs, et je ne peux pas vraiment trop les juger, tout comme, vu ce que tu m’as annoncée tantôt, je ne sais pas si je peux croire entièrement tout ce que tu as dit… Mais je peux affirmer un fait ! C’est que cette voie a apporté aux autres au moins une chose, et j’espère que tu n’oseras contester ceci… Cette chose, c’est une blessure. A moi.’’

Sobrement, elle tapa dans ses mains lentement, comme pour applaudir d’une manière cynique, tout en poursuivant :

‘’Un beau score jusqu’à maintenant, non ? En poursuivant ainsi, tu pourras même causer des mutilations, voir pire. Admet que jusqu’à maintenant, c’est plutôt pauvre comme élimination du danger pour les autres… Sauf si tu me considères en tant que tel, mais pour le bien de ce que je papote, on va dire que non.’’

Puis, elle vint à poser ses deux mains sur ses hanches, avant de continuer :

‘’Aussi, j’ai compris du coup que tu venais ici pour être utilisée dans un but noble… C’est louable, clairement, nombreux sont ceux qui viennent ici pour ça. Mais bon, peut-être qu’on se plante tous sur toute la ligne. Peut-être que ce qu’on fait, c’est pas si génial. Après tout, j’ai vu y’a pas si longtemps deux officiels de Hope en train de conspirer pour en faire tomber un troisième… En fait, on est pas des agents au service du bien. On est juste des pions, utilisés par d’autres pour leurs souhaits. Souvent, ça va dans le bon sens, mais quand tu sais que dans les rapports de Hope, y’a des missions confidentielles sur des types dont le seul mal fut de trop en savoir…’’

Mais elle replanta à nouveau son doigt en l’air, tout en étant tournée vers la Grimbald, pour dire :

‘’Admettons deux cas. Si ta résolution était totale, alors vu que tu doutes, vu que tu n’es pas allée au fond des choses, ça a évoluée. Si tu m’avais mentie à l’époque, alors ça veut dire que tu doutes de base, et donc que rien n’est encore figé !’’

Et elle la repointait du doigt, pour dire avec force et toujours cette conviction si particulière :

‘’Dans tous les cas, soit tu as changée, soit tu peux encore le faire ! J’ai beau être stupide, j’ai raison de croire que cela peut arriver ! Je ne peux être celle qui décidera de comment tu souhaites te reconstruire, de comment tu peux le faire ou autre, mais la seule chose que je sais, et que tu dois savoir, c’est que je serais dans tes pattes !’’

Finalement, elle sourit encore de plus belle, pour tourner sa main, non pas pour la pointer du doigt, mais lui tendre sa paume, tout en disant d’une voix bien plus calme, plus modérée :

‘’…Et reconstruire !’'

Détruite. M. Centrenuit semblait…détruite. Ce qu’elle venait d’apprendre l’avait comme anéantie, ruinée, et je l’observais s’écrouler, sombrer, en me mordant la langue de  honte. Non, ce n’était pas ce que j’avais voulu. Si elle ne s’était pas attachée à moi, si elle ne m’avait pas rencontrée, il n’y aurait pas eu besoin d’en arriver là… Mais puisque c’était fait, il m’avait fallu aller jusqu’au bout. Peut-être notre amitié serait brisée après ça. Mais n’était-ce pas justement une meilleure chose ? Elle n’aurait plus à souffrir si je disparaissais de sa vie.

Puis, la mage se liquéfia… et je ressentis un mélange de plusieurs choses. Et dans ces choses, il y avait… du soulagement ? Sa souffrance était mortuaire, oui, mais ne serait que passagère. Une fois qu’elle m’aurait oubliée… Ce serait fini. Elle pourrait passer à autre chose. Me laisser tomber dans le néant où était ma place.
Pourtant… pourtant. Mon amie réapparut. Son état avait changé, son humeur avait changé, mais surtout,  son attitude était…étrange. Ce n’était plus la même personne, la gentille agente un peu naïve et étourdie, non, c’était… quelqu’un d’autre. Elle brisa sa propre statue, ce qui me fit sursauter, et commença à raconter des choses. Parler d’alchimie. Se parler à elle-même.
En entendant ceci, un profond malaise me prit. Je baissais la tête. Prit mon pendentif, caché sous mon pyjama, entre mes mains. Avais-je été trop loin ?... Je  me doutais que quelque chose du genre arriverait, mais… mon propre acte fût remit en question. Avais-je sous-estimé le choc qu’une telle nouvelle allait provoquer ?
La trahison, cela faisait partie des sentiments que je ne connaissais pas… était-il si puissant ? Capable de faire immédiatement sombrer dans la folie un esprit un peu fragile ?

Puis la situation se retourna à nouveau du tout au tout. M.Centrenuit s’était retournée vers moi, encore plus énergique et …  « elle-même » que d’habitude, ce qui me plongea dans une profonde confusion.
Non. J’étais totalement désorientée. Ne sachant plus quoi penser. Quoi faire. Ses paroles en l’air, qui quelques secondes avant n’avaient ni queue ni tête, étaient à présent autant de lames acérées lancées dans ma direction. Des lames empoisonnées de vérité. L’avoir blessée ? Avoir des doutes ? Qu’Hope soit loin d’être tout blanc ? Tout ça, je ne pouvais le nier… Pourtant…pourtant.

Pourtant même en sachant tout ça… c’était à mon tour de ne pas comprendre.  Que voulait-elle ? Que cherchait-elle à faire ? Que voulait-elle trouver ? L’agente avait déjà expérimenté ce qu’elle risquait à rester avec moi… et pourtant elle insistait. Qu’est ce que ma vie pouvait bien valoir, pour cette personne qui me connaissait au final si peu ?  Je la regardais, le regard flou, ailleurs :


« J-je ne comprend pas, M.Centrenuit…qu’est ce que vous voulez ?...  » Commençais-je, en me levant du sofa, pour lui faire face :


« P-pourquoi ? O-on se connait à peine, e-et tout ce que vous savez de moi, c-c’est que je suis une menteuse p-prête à trahir la confiance des gens ! A-alors pourquoi ?... q-qu’est ce que vous gagnez à m’aider ?...q-qu’est ce que ç-ça vous apporte… ?! » Mes émotions commencèrent à prendre le dessus, alors que je m’avançais nerveusement vers mon interlocutrice :

« J-je doute, oui… p-parce que ce n’est pas naturel ! A-alors je fais des erreurs…d-des choses que je ne d-devrais pas faire… M-mais si j-je vous ai dit la v-vérité au lieu de continuer à m-me servir de vous… c-c’est p-parce que…parce que… » arrivant à son niveau, les yeux humides, je regardais dans les siens :

« …p-parce que m-mon amitié p-pour toi est s-sincère, Proxima… C-c’est pour t’éviter une souffrance b-bien plus grande q-que j’ai voulu que tu le saches l-le plus tôt possible… q-que tu aies moins de choses à remettre en question…q-que tu aies moins de deuil à faire. A-alors oui, j-j’aurais pu rentrer d-dans ton jeu, e-et p-profiter encore de ta c-crédulité, m-mais… d-dès notre rencontre, j-j’avais déjà décidé q-que dès l-le statut d’agent obtenu…d-dès lors qu’il te serait impossible d-de m’empêcher de rejoindre l’organisation…j-je te dirais la vérité. C-c’est par respect q-que je l’ai fait, p-pour te blesser le moins possible ! »

Mon cœur battait à la chamade. Tout mon corps tremblait. Mais ce n’était pas encore terminé, loin de là :

« N-ne me regarde pas avec ce sourire… »

Soudainement, je pris sa main tendue entre les miennes, la serrant inconsciemment en baissant la tête :

« T-tu ne sais pas…q-qui je suis…t-tu ne sais pas…. c-ce que j’ai fait… tu ne s-sais pas…ce que j’ai vécu… t-tu n’en as aucune idée… »

Ma poigne se fit de plus en plus forte, alors que les émotions explosèrent avec le flot de larmes :

« T-tu ignores d-dans quel enfers je survis… à-à quel point il ne reste rien de moi… a-ALORS NE FAIS PAS COMME SI TU COMPRENAIS !! »

Mes poumons se vidèrent dans ce hurlement, et mes genoux flanchèrent, me laissant tomber sur eux, sans pour autant que mes doigts ne lâchent Proxima. Au contraire, ils s’accrochaient à cette unique source de chaleur comme si c’était la dernière chose de cet univers à laquelle ils pouvaient s’aggriper  :

« S-s-il te plaît… je veux juste que tout s’arrête… »

Musique

Si Proxima était passée tantôt dans tous ses états, de la colère à la paix, de la haine à la rémission, elle se trouvait être actuellement calme. Sa respiration stabilisée, profonde et lente, laissait penser qu’elle avait clairement reprit la main sur sa situation à elle. Après, quand à savoir si c’était le cas sur ce qui se passait de manière générale… Surement que les choses seraient plus compliquées. Il n’existait pas de Flawless victory, en tout cas, plus aucune sur le parcours qu’elle avait empruntée sans s’en rendre compte. Mais qu’importe la fin, elle savait une chose maintenant : c’était qu’elle y irait en suivant ce en quoi elle croyait, même si elle irait dans un mur à mach 2 ! Comme elle l’avait dit, elle était stupide mais elle avait des convictions !

Mais Emily… Ne comprenait pas. Pas ce que voulait dire Proxima, ça, c’était suffisamment clair sur son discours, mais les motivations qui la poussait à faire ceci. Après tout, la gardienne avait bien décrit un peu ce qui avait poussée Emily à stopper son geste, les doutes et toutes ces choses, mais il y avait cette fois-ci dans l’équation ce qui poussait Proxima à agir, elle aussi. Après tout, elle aurait simplement put quitter la pièce et oubliée tout ce qui se serait passé ici, tout comme elle aurait put faire exploser sa colère d’une manière encore plus affirmée que la froideur qu’elle avait fait preuve en détruisant la statue.

Donc Emily… Disait qu’elle était une menteuse, prête à trahir pour ses intérêts… Sur ce point, elle ne pouvait contredire. C’était des faits, elle avait menti, trahissant la confiance que lui portait la Centrenuit. C’était indéniable sur le coup, tout comme le fait qu’elle s’avançait, lentement, tout en confirmant le fait qu’elle doutait, parce que… Ce n’était pas naturel ? Parce qu’elle trouvait ce qu’elle faisait aussi peu orthodoxe que cela pouvait paraitre… Mais elle disait aussi, en tutoyant alors qu’elle semblait être de plus en plus à fleur de peau…

Que c’était parce qu’elles étaient amies ? Pour éviter que la Centrenuit ne souffre, en apprenant ceci le plus tôt possible ? A cause de remises en questions et de deuil. Déjà, même si toute cette histoire de respect, d’amitié pouvait sembler un peu près vraie, bien qu’avec ce qu’il s’était passé des doutes pouvaient clairement exister, elle ne pouvait s’empêcher d’y trouver un défaut dans ce qui semblait être la parfaite petite solution d’Emily… Mais les choses n’étaient clairement pas arrivées jusqu’à leur terme, puisque Emily commençait à se faire dépasser par ses sentiments, par ses émotions. La colère commençait à prendre le pas sur la retenue qu’elle avait. C’était en partie ce qu’avait put stimuler Proxima, ayant put attaquer sur le regret, la peur et les reproches. La voir s’emballer n’était pas vraiment un spectacle qu’elle souhaitait voir, mais en même temps, c’était surement une chose qui aurait dût se passer. La destruction… Ne se faisait pas sans rien.

Alors elle ne fut par surprise de voir Emily exploser les barrières et les murs qu’il y avait, critiquant la Centrenuit sur son manque d’information, jusqu’à lui hurler dessus, risquant ainsi de lui faire perdre quelques degrés d’auditions, mais contrairement à la Grimbald, elle ne flancha pas. Elle avait déjà eu son moment crise juste avant, donc elle recula juste la tête, en revenant certes à une expression plus neutre, alors qu’Emily tombait à genou, l’implorant pour que tout… Se finisse… Devait-elle chercher un double sens à chacune des paroles que pouvait dire cette demoiselle ? Devait-elle véritablement faire tout ceci ? Ou tout simplement, devait-elle continuer dans la voie qu’elle s’était lancée ? Il était trop tard pour reculer.

Doucement, elle vint poser sa seconde main contre celle d’Emily, si bien que cela contrastait avec elle, qui s’accrochait avec une ferveur à cette main tendue qu’elle lui avait offerte… Puis, elle s’abaissa, se mettant à son tour à genou, juste en face de cette demoiselle…

‘’Tu as raison sur bien des points… Je ne sais pas qui tu es, ce que tu as fais, ce que tu as put vivre. J’ignore comment cela peut autant t’affecter, bouleverser autant les choses… Je ne peux me faire qu’une idée de ce que tu as vécue et de leurs conséquences… Néanmoins…’’

Même si son sourire était plus terne, elle essayait de le faire, non pas dans le même but que tout à l’heure, mais pour se montrer bienveillante, réconfortante, alors qu’elle serrait un peu plus les mains de la demoiselle contre les siennes.

‘’Même si je ne connais que peu de toi, je veux t’aider, Emily ! Je ne veux pas t’abandonner, pas le moins du monde ! Parce que malgré tout ça… Je tiens à toi ! Alors oui, il y a et aura des hauts et des bas, mais aucune vie, absolument rien n’est un long fleuve tranquille !’’

Elle ferma les yeux, alors qu’elle penchait un peu plus son corps en avant, se remémorant tout ce qu’il s’était passé. Même s’il pouvait y avoir une part de mensonge dans tout ceci… Il y avait aussi très certainement une part de vérité…

‘’Je ne serais jamais celle ou ceux que tu as perdue, et ce n’est pas mon intention… Mais je souhaite avec toi ! Etre ton amie, avec ou envers les vagues, courants et marrés ! Parce qu’une fin viendra avec un renouveau, parce qu’un point se suit d’une majuscule !’’

Ainsi, M. Centrenuit prononça ses raisons. Elles étaient aussi simples qu’une émotion, mais pourtant d’une complexité sans fin si l’on essayait de les rationnaliser. En fait, je ne les comprenais pas plus qu’au début… Mais peut-être qu’il n’y avait justement rien à comprendre ?

« V…vous êtes vraiment bizarre, M.Centrenuit… » Prononçais-je calmement, après un long moment de silence.

« M-mais même si ça n’a aucun sens, s-si vous tenez à vous opposer à mon voeu, j…je ne peux pas vous en empêcher. » continuais-je dans la lancée, ouvrant les yeux tout en évitant son regard que je n’aurais su soutenir.

La tempête s’était apaisée, mais je ne pouvais pas dire si j’étais dans un meilleur ou pire état qu’au début. Cependant, au moins, ce que je voulais lui dire était passé… tumultueusement, mais passé. Pour le reste… Je n’avais pas vu cet avenir là, mais avec certitude, on pouvait affirmer que d’autres crises arriveraient. Même si nous restions amies, nos volontés respectives allaient inévitablement amener d’autres orages.
Lentement, je séparais mes mains des siennes,  avant de me redresser. Puis, d’un pas lent, mes pieds se trainèrent jusqu’au sofa, afin que je puisse me laisser tomber dessus, assise.


Mon regard pointait sur un endroit vide du mur, alors que mon esprit, lui, se focalisa sur le son de l’horloge partiellement magique. Puis, il se laissa un instant aller à la mélancolie, répondant peut-être partiellement aux interrogations de la mage astrale concernant ce que j'avais perdu :

« A-avant, je n’avais p-pas besoin d’avoir un réveil, n-ni d’avoir peur de tout ce qui p-pourrait me blesser s-si jamais je tombais dessus en m’endormant. S-si je traînais t-trop pour faire q-quelque chose d’important, j-j’avais toujours quelqu’un p-pour me le rappeler. E-et je ne m-m’ennuyais jamais, i-il y avait toujours q-quelque chose à faire, u-une discussion à avoir, u-une vue aérienne à o-observer, o-ou juste un jeu pour passer le temps. »

Je me retournais ensuite vers l’agente, forçant un sourire fatigué :

« Au fait, v-vous voulez toujours aller à cette soirée ? »

La situation semblait se désamorcer peu à peu. Pourtant, il y avait comme le sentiment que rien n’était pour autant réglée… Tout pourrait bien exploser de nouveau, dès lors qu’une vibration un peu trop forte se ferait ressentir, mais dans l’immédiat le détonateur qu’elle avait n’était plus sur le point de causer la fin du monde. Il se réactiverait, c’était certain, mais pas maintenant… Comme une cocotte minute à laquelle l’on aurait enlevée de la vapeur en somme, Proxima souhaitant enlever le dit ustensile du feu, tandis qu’Emily souhaitant atteindre la bonne température pour se cuisiner elle-même, sans autres assaisonnements.

Bref, elle prononça après que les deux soient face à face qu’elle trouvait Proxima… Bizarre ? Non vraiment, avait-elle déjà ouvert les yeux ? C’était une évidence même, entre le fait qu’elle courrait sur les murs des couloirs lorsqu’elle était en retard, sa tenue super excentrique et ses nombreuses mimiques… Clairement, elle pouvait être catégorisée comme hors-norme ! Mais ce n’était pas forcément quelque chose de négatif. Elle était « spéciale », ou juste « exceptionnelle »… Ou tout simplement « Elle-même » si l’on voulait aller au plus précis possible. Elle était très bien dans la case où il y avait son nom, tout du moins de ce que l’on pouvait voir.

Mais bref, comme faisait Emily, elle se contenta de fuir l’affrontement qu’il y avait, résumant ceci en donnant la liberté à Proxima d’essayer, mais aucunement en ne souhaitant elle-même faire le pas. Elle ne pouvait pas l’en empêcher ni l’en dissuader. C’était donc une victoire en semi teinte pour la Centrenuit, qui certes gagnait le droit de poursuivre ses efforts, mais sans en avoir goût ou saveur actuellement. Mais bon, on était déjà mieux que juste avant, donc à défaut, elle savait qu’elle apprécierait ceci… Mais bon au final, elle n’avait guère besoin de l’avis d’Emily pour agir ! Elle se contenta juste de sourire un peu, alors qu’Emily détournait son regard, avant de lentement séparer ses mains pour se redresser d’un pas lent, tout son corps fatigué par ce qu’il venait de se passer semblait-il…

Puis… Elle expliqua qui semblait que ses maux… Venaient de la solitude… Qu’elle était seule dans les faits… Que sa vie ait perdu sens en somme depuis qu’elle avait tout perdue… Avait de compiler tout ça par une simple question : Si la Centrenuit allait oui ou non aller à la soirée…

‘’Hum… Je ne sais pas. Je t’avoue que là, j’ai un peu envie de flâner. Hopeflix and Chill comme diraient certains ! Faut croire que je deviens une trentenaire, héhé !’’ Fit-elle en souriant de nouveau, juste en se retournant, toujours assise sur le sol de l’appartement. ‘’Oh sinon, tu as des livres ici ? J’ai comme envie d’en lire là ! J’ai déjà fait des mots croisés hier, pour apprendre un peu tout le vocabulaire qu’il peut y avoir dans ce monde. C’est loin d’être évident, surtout si t’essaye de faire ça avec le gros Robert ! Oh par exemple… Est-ce que tu connais le Roman de Renart ? Ou Rocky ? Ou d’autres ?’’