Don't go gentle into that good night

La jeune femme acquiesçait un brin passivement lors de la visite. Le secteur P, qui aurait surement mit des heures à être bien exploré, était présenté rapidement. De toute façon, avec les nombreuses flèches qui dirigeaient les voyageurs vers les différents endroits de cette station, il était difficile de se perdre ! Et puis même, si c’était le cas, elle avait juste à demander à son IA, qui se ferait une joie de l’aiguiller correctement. Un petit bijou de technologie. Si seulement la HopeWatch était une Rolex… Avec des engrenages aussi beaux que des diamants… Ahlala…

Bref ! Après avoir désignée les quelques bâtiments au loin, la Centrenuit put donc entendre la réponse d’Emily concernant ses passe-temps… Du coup, ce qu’elle faisait principalement, c’était du dessin, de la calligraphie donc, mais aussi de l’entrainement physique, la voie des arts martiaux, tout comme elle disait qu’elle… Etait narcoleptique ?! Oh, ça c’était une nouvelle toute particulière, très précis comme mal qu’elle subissait !

‘’Oh ! J’ai connu un narcoleptique aussi ! A la différence que c’était un brin particulier ! Imagine que c’était comme un golem, une invocation, mais qui est contrôlée à distance par un magicien ! Eh bien c’était ce magicien qui était narcoleptique, et quand il s’endormait, le golem il restait bloqué sur la même syllabe ! Pendant parfois des dizaines de minutes ! C’était super déroutant ! Ou des fois il avançait indéfiniment contre un mur, sans même pouvoir réussir à l’outrepasser !’’ Expliquait-elle, en utilisant un moyen détourné de parler de la différence personnage / Joueur. Elle préférait ne pas exposer cette condition, qui était encore trop floue et trop étrange pour être réellement établit.

Mais un détail fit tout de même sourciller un brin la gardienne… Comment ça… Emily n’avait pas vraiment d’endroit ou vivre ? Etrange… Elle mettait cette question dans son inventaire, pour penser à la ressortir plus tard lorsqu’elle y penserait de nouveau… Mais il y avait aussi ce qu’elle disait, mentionnant uniquement le fait que l’univers était en danger… Il semblait que cette question relevait d’un point tout de même difficile, qu’elle ne souhaitait pas spécialement aborder… Donc par conséquent, peut-être qu’elle devrait éviter de renchérir sur le sujet, même si sa curiosité était piquée à vif à cause de ceci ! Mais dans tous les cas, elle lui renvoyait la question, mettant la main sur un beau filon !

‘’Oh ?! Pourquoi je suis ici ? Eh bien, longue histoire dont on pourrait tirer bien des écrits ! Mais c’est surtout parce que… J’ai résolue tous les mystères de mon monde ! J’ai tout fait, combattu chaque créature, parler avec chaque personne, y avoir fait toutes les quêtes ! J’ai appris tous les instruments de musiques, les chants et les arts ! Et… En fait, je m’ennuyais un peu, donc ces derniers temps, je me préoccupais surtout d’aider les membres de ma guilde, surtout ma fille en fait ! Puis, une fois que tout était en ordre, j’ai reçue la proposition de Hope, qui me proposait tout un multivers à explorer ! Et forcément, toute curieuse, je m’y suis jetée tête baissée ! Et pour le moment, aucun regret ! Il y a tant de choses, tant de nouvelles activités… J’ai même fait un karaoké ! C’était génial !’’

Elle souriait comme une enfant qui racontait sa journée, avant de faire un tour sur elle-même, et de désigner l’une des directions :

‘’Allez, suite de la visite ! Le secteur O !’’

Continuant à marcher, nous échangions chacune nos différentes raisons d’avoir rejoint Hope, bien que M. Centrenuit avait été bien moins malhonnête que moi sur le sujet… si elle disait bien vrai ! Comment pouvait-on avoir tout fait au sein d’un monde ? Il fallait vraiment que le monde en question soit très petit… ou être très âgé. Était-ce envisageable ? C’était une mage, peut-être même une très puissante ? Mais un pressentiment me laissait penser que la réponse était bien pire. Le surnaturel n’était peut-être pas en déclin dans tout l’univers…

Son insouciance était par contre  surprenante, étant donné la tâche confiée aux agents de Hope ! N’avait-elle aucune considération pour le danger qui nous faisait face ? Ah moins que ce ne soit dû à un excès de confiance en soi ?… Mais tout de même, ce n’était pas un choix aussi léger…
D’autant plus vis à vis d’un élément qui me fit tiquer. Pas à cause de sa jeunesse apparence, non, mais de ce que ça impliquait :

« V-vous avez une fille ?… J-je ne vous imaginais pas mère !... »

Comprenant le sous-entendu derrière, je me rattrapais immédiatement : « J-je veux dire, c-ce n’est pas q-que je ne vous imagine p-pas élever un enfant, c-c’est juste que...enfin... »

Il n’y avait aucun moyen de le dire de manière détournée. Enfin, si, il en existait certainement, mais j’étais déjà bien trop lancée pour éviter le mur :

« ...v-vous ne craignez pas q-qu’il vous arrive quelque chose ?... »

Peut-être qu’un élément m’avait échappé. Ou que j’avais mal compris quelque chose dans la sélection des recrues. Pour ne pas laisser un blanc sur une telle question, j’enchéris de suite en exprimant ce désaroi :

« D-désolée, m-mais c’est juste que…. j’avais ccru c-comprendre q-que les recrues… enfin… que Hope sélectionnait des personnes q-qui n’avaient rien à perdre, ou q-qui ne manqueraient à personne. M-mais j’ai dû me tromper p-parce que ce sont des choses q-qui sont font là d’où je viens. »

Proxima se sentait bien. Elle était à l’aise, sociable, et confiante actuellement dans l’entrain qu’allait lui procurer cette journée. Souriante vers les prochaines heures, elle l’était également envers la jeune femme qui l’accompagnait aujourd’hui. Emily… Etrangement, elle dégageait une aura qui attirait la sympathie. Qui aurait l’envie de vouloir la mettre en danger, pour une raison ou pour une autre ? Comme ça, de visu, elle n’en avait pas la moindre idée. Clairement, elle paraissait être plus l’archétype d’une princesse en danger qu’une héroïne affrontant milles périls, mais la Centrenuit était prête (et adorait) se faire surprendre par ce genre de chose. Les plus grands héros ne se choisissent pas, ils le deviennent parce qu’ils le doivent, parce que la situation l’exige !

Avançant les mains dans les poches, d’une manière bien décontractée, celle coiffée d’un chapeau se laissait aller à de grandes respirations, humant l’air artificiel de la station comme s’il avait toujours été sien. Ses yeux presque clos, son sourire et l’air insouciant qu’elle affichait, comme si rien ne pouvait jamais lui arriver ou lui tomber sur le coin du nez. Une trop grande confiance en elle ? Un peu de ça, mais aussi parce que c’était dans son caractère que penser à l’instant présent, à ne pas travailler le lendemain. Cette partie-ci, elle la réservait à sa partie plus mature, lorsque les temps avaient besoin qu’elle fasse son effet « Puzzle du Millénium ». Mais là, elle avait quelques questions à répondre, notamment sur le fait qu’elle ne paraissait pas être une mère !

‘’Héhé ! C’est un peu particulier ! Ce n’est pas vraiment ma fille, et je ne suis pas vraiment sa mère. C’est adoptif ! Lorsque je l’ai rencontrée, elle avait déjà dix-sept ans ! Et en plus, bon sang qu’elle était autonome ! C’en était presque un jeu, que de toujours vouloir s’enfuir de ce que lui apprenait pour partir faire des quêtes, arpenter des donjons ou simplement picoler ! C’est un peu son péché, ainsi que son assurance peut-être trop grande pour son propre bien, mais... Elle est exceptionnelle !’’

Souriante, elle levait sa tête, en même temps qu’elle faisait un petit saut, pour marcher sur une barrière, telle une équilibriste entrainée, les bras tendus et la démarche tout de même rapide :

‘’Et me concernant… Oh, j’ai mes petits secrets ! Déjà, j’ai fait en sorte de ne plus être indispensable pour la guilde à laquelle j’appartiens. Oh, bien sûr, je reste la dirigeante, mais toutes les tâches ont été simplifiées, notamment depuis que je me suis retournée des compétitions pour savoir qui était la personne la plus forte ! Oh par ailleurs, ma fille participe à ce tournoi cette année ! D’autant qu’en plus au moment où je rejoignais Hope, elle prenait totalement son indépendance, embrassant sa voie… Wouuuuh, je suis toute curieuse de savoir jusqu’où elle ira ! Mais bon, c’est évident ! Reach the top !’’

Elle levait son index en l’air, à la manière d’une autre guilde d’une autre histoire, confiante, avant de continuer à marcher, alors que le temps s’était peut-être arrêté l’espace de quelques secondes !

‘’Et puis, il y a cette Valkyrie dans ma guilde ! C’est compliqué à expliquer, mais disons qu’elle m’est un peu liée, d’une manière un peu bizarre, mais grosso-modo, s’ils ont besoin, ils peuvent lui demander conseil ! Elle est un peu plus fracassante que moi, mais elle sait faire le nécessaire ! Elle a toute ma confiance ! En fait, toutes les personnes de ma guilde ont ma confiance ! C’est un peu comme un grande famille, toute particulière, constituée de personnes qui viennent de tous les horizons, qui sont guerriers ou mages ou même autre ! Et même que beaucoup ne sont même pas humains ! Mais cela ne nous empêche pas de nous réunir sous une même bannière !’’

Elle souriait, avant de se rendre compte qu’elle avait bien trop divaguée !

‘’Oh excuses-moi, je me perds dans mes pensées ! Hey, c’est que pour six milles trois cents vingt sept années, j’ai encore bien toute ma tête, non ? Héhé !’’ Elle plaisantait, en annonçant son âge qui risquait surement de surprendre Emily. Néanmoins, elle soufflait un peu, après ceci, non de désarroi, mais calmer un peu l’euphorie qu’elle risquait d’avoir. Elle reprit, toujours souriante néanmoins :

‘’Et je ne me fais pas de crainte. Même si Hope est un monde différent, c’est bien plus que le destin de cet univers qui est en jeu ! Tout du moins, c’est ce qui était écrit sur la brochure ! Mais bon, si je peux aider tout le monde en participant à cette grande entreprise, alors il le faut ! J’ai toutes les raisons du monde de vouloir mettre la pâté à l’ainé !’’

Faisant craquer ses doigts, elle regardait ensuite Emily, en marchant à reculons sur la rembarde comme si de rien n’était, comme si elle était réellement une véritable experte asiatique :

‘’Et je parle, je parle, surement trop en fait ! Tiens du coup, a quoi ressemble ton chez-toi ?’’

Regardant d’un oeil M. Centrenuit jouer les équilibristes tout en me partageant allègrement les détails de sa vie, je me questionnais sur la confiance qu’elle m’accordait, à moi, une inconnue. D’accord, je ne comptais me servir de toutes ces informations mais… quelqu’un de mal intentionné le pourrait ! La connaissance était une arme, c’était étrange de voir une personne offrir aussi simplement autant de failles… même si je ne doutais  pas qu’elle conserve encore de nombreux secrets.
Ou alors, j’étais simplement trop prudente…

Quoi qu’il en soit, j’appris de nombreuses choses sur son monde. Il y avait des « quêtes » et des « donjons », des mages et des guerriers, des guildes et des tournois… et même des non-humains. C’était à croire qu’elle venait d’un monde féérique ! Mais cela me faisait également penser à ce que m’avait dit cette fille, qui avait souhaité m’introduire aux jeux d’arcades… oui, c’était à croire que M. Centrenuit vivait dans un RPG.
Vivre dans un tel monde, ça devait être fantastique ! Quoique.. ce genre d’univers avait lui aussi sa part d’ombre, et si elle était proportionnelle à son côté fantastique… ses ténèbres devaient être au moins aussi dévastatrices que les miennes.

Vint ensuite une réponse à une précédente interrogation… l’âge de Proxima. Cela fit stopper ma marche pendant un instant, le temps  de digérer la nouvelle:

« Ah...ç-ça explique p-pourquoi vous vous ennuyiez chez vous… » Et cela confirmait qu’elle n’était pas humaine. Enfin, cela pourrait être une mage, mais rester soi-même autant de temps ? Inimaginable ! Cela me rappelait d’ailleurs que j’avais ce pendentif, qui avait stoppé mon vieillissement lors des périodes où je dormais beaucoup trop. Mais jamais il ne durerait autant de temps, cela dit…
J’aurais bien eu tout un tas de questions concernant ce phénomène, mais quelque part, intuitivement, je savais que ce serait inutile. Ce n’était pas de la simple thaumaturgie. Ça ne pouvait pas être une connaissance humaine, et par conséquent… ce n’était pas une chose avec laquelle je souhaitais m’encombrer. La voie de la connaissance ne mène pas  à de belles routes, si on l’emprunte trop profondément…

Je repris ensuite la marche, ajoutant : « J-j’ai un artefact q-qui permettait d’être amortelle, e-entre autres , m-mais je conserve cet effet éteint. E-enfin, sauf quand je dors ! I-il m’aidait jute à ne p-pas vieillir et p-perdre trop de jeunesse, q-quand… d-dans la période où je pouvais parfois dormir pendant p-plusieurs mois… e-elle est terminée maintenant ! M-mais j’ai peur que ça recommence, a-alors juste au cas où... »

Pour lui démontrer, je vins sortir délicatement le précieux pendentif de mon uniforme, avant de le ranger soigneusement. Je préférais le garder caché, et que personne n’y touche, tant cet objet était un trésor à mes yeux.


« M-mais je ne c-crois pas qu’un humain s-soit fait pour vivre aussi longtemps… s-si je devenais amortelle, j-je pense que je serais devenue folle bien avant mes quatre-mille ans ! » ajoutais-je ensuite, sur un ton se voulant humoristique.

Cependant, je reçus ensuite une question… complexe :

« La Terre...c-c’est difficile à dire. E-en fait, pour commencer, c-c’est en fait deux mondes... » Je pris pour profonde respiration, avant de commencer :


« A la surface, c-c’est une planète qui a t-tout pour être magnifique. Il y a des grandes forêts vertes et luisantes, p-peuplées de créatures magnifiques et d’oiseaux chantant au gré du vent… de gigantesques montagnes à gravir… des étendues d’eau à perte de vue, s’étendant d-dans les terres sous forme de milliers de rivières et de torrents… des couchers de soleil à perte de vue, et des nuits étoilées si belles, sources de nombreuses légendes, d’espoirs, et de rêves…
P-puis il y a les humains. O-on ne sait pas comment nous s-sommes arrivés, et encore m-moins pourquoi… m-mais l’histoire est tourmentée. Les Hommes sont capables de choses magnifiques, comme le chant, la danse, l’art… l’amour. M-mais pour une raison inconnue, i-ils sont également capables du pire… la violence, la trahison, la guerre, la conquête, la méchanceté… C-c’est vraiment paradoxal, d’être un condensé de beauté et d’horreur.

M-mais ensuite, il y a l’autre monde… le monde secret, c-celui où je suis née, celui des mages. I-il contient à la fois… l-le pire et le meilleur. C-comme les hommes sont s-souvent aveuglés p-par le pouvoir, la richesse… i-ils ne le sont pas moins par la puissance. L-le don de réaliser des miracles a rendu b-bien des esprits tordus.  J...j’ai p-participé aussi...à-à une sorte de tournoi. Deux fois… m-mais ce n’était pas une compétition pour déterminer le plus fort. N-non, c’est une guerre… u-une guerre où les participants doivent d-démontrer jusqu’où ils sont capables d’aller s-si on leur promet q-que le gagnant verra son vœu le plus cher réalisé. U-une guerre où… l-le sang et l-les morts ne sont p-pourtant p-as nécessaires mais… où la victoire s’obtient b-bien plus  facilement q-quand on abandonne ses scrupules, q-quand on… est prêt à se salir les mains.»

Je sentais une légère larme couler en prononçant ces dernières paroles, aussi je m’empressais de conclure :

« V-voilà, c-c’est mon...m-mon monde...d-dans les grandes lignes. »

L’on pouvait se demander laquelle des deux demoiselles paraissait pour être la plus mature des deux. La Grimbald parlait comme si elle avait vu de ses propres yeux la destruction même, le chaos… Pire que ça, qu’elle en était responsable. Le discours qu’elle avait donné sur son monde semblait réellement être celui d’une personne qui en avait vu les horreurs… Proxima restait pour le moment un peu silencieuse, alors qu’elle continuait de marcher sur son rebord, entre le vide qui pourrait lui être fatal et le sol où les choses étaient trop ennuyeuses et simples.

Mais avant ceci, évidement qu’elle avait put être surprise par l’âge imposant de la gardienne des astres, qui clairement paraissait bien plus jeune que ce qu’elle avait réellement. Il fallait dire que toutes les pièces étaient assemblées pour que l’on ne se doute de rien jusqu’à la grande évocation. Enfin, presque tout, le fait qu’elle avait tout vu dans son monde, qui laissait à chaque fois planer des doutes sur ce qu’elle racontait. Peut-être que Proxima s’inventait en permanence des histoires où elle était l’héroïne ? Des contes, des légendes, des aventures…  Celle où elle était le personnage central. Mais n’était-ce pas ce qui lui arrivait actuellement ? D’être le personnage de sa propre aventure ? Sa lucidité sur sa condition demeurait une chose qui allait l’amener aux devants de bien des problèmes, mais ils ne s’annonçaient pas.

Pas encore.

Pas tout de suite.

Elle se contenta d’un sourire à la remarque d’Emily, en hochant un peu la tête. En fait, il lui avait fallut beaucoup moins de temps pour explorer l’ensemble de son monde, extraordinairement moins, mais cela aurait révélé peut-être un peu trop. Aussi belle était la coquille qui avait été son foyer autrefois, elle n’en était qu’une. Et ici, la cage était si grande, si innovante… Qu’elle avait l’impression de pouvoir espérer ne jamais trouver l’ennui qu’elle avait atteint autrefois !

Toutefois, elle expliquait qu’elle était en possession d‘un drôle d’artefact, qu’elle dévoilait avec délicatesse… Un pendentif qu’elle portait, qui stoppait son vieillissement à cause de son rythme très particulier de vie… Des fois où elle dormait des mois ?

‘’Ah oui ! Dormir pendant des mois ! Ça c’est une chose conséquente… Oh, ça me rappelle ce conte d’il y a si longtemps… La belle au bois dormant ! Hey, qui sait ! Peut-être qu’un baiser d’amour pourrait te soigner de ce mal ?!’’ Répondit-elle à la plaisanterie, se doutant que cela allait faire bafouiller un peu Emily qui risquait de rougir, pour rigoler en à peine quelques secondes, avant que son interlocutrice n’ait put répliquer : ‘’Héhéhé, j’imagine que c’est bien plus compliqué qu’une piqûre sur le doigt ! Oh, et concernant la longévité… C’est bien particulier à gérer. La folie est une fin, peut-être, mais ce n’est pas la seule ! L’important, c’est de toujours trouver une raison d’agir !’’

Devait-elle tiquer sur les quatre-mille ans ? Etrangement, elle ressentait un picotement à l’arrière de son oreille droite, comme quelque chose qui lui disait : Vas-y, brises-le, brises-le mur ! Fais exploser les plus grandes fondations qu’il puisse exister ! Les points faibles MARTY ! Hum… Avec le sommeil… Oh, elle trouverait surement ça par la suite, mais déjà il y avait le discours d’Emily, sa tirade sur son monde… Oh non, oserais-je ?

…

Evidement.


Elle faisait actuellement un bref résumé dans sa tête… Donc… Dans son monde, il y avait de très beaux paysages, une nature florissante, belle et épanouie, de quoi vivre et rêver… Il y avait les hommes, instables et doués de potentiel à accomplir leurs volontés, les meilleures comme les pires… Jusque là, c’était une chose relativement stable et apte à être comprise, même si sa description de l’humanité laissait un peu pensif…

Et l’autre monde… Est-ce qu’il en s’agissait d’un véritable autre monde, accessible via quelques passages dans des endroits tous particuliers ? Ou bien d’une société secrète qui existait à travers le monde sans être découverte ?  Elle n’en savait rien, mais il existait la magie dedans… Et la magie, comme tout autre forme de puissance, de pouvoir, était utilisée pour servir les fins de son utilisateur. Elle-même après tout, en tant qu’élémentaliste, utilisait ce principe… Mais il semblait bien que les choses étaient aussi différentes…

Une guerre… Permettant de réaliser le plus cher des vœux… Non seulement déjà, c’était entre carrement flippant et super intriguant pour la Centrenuit, mais une chose l’interloquait encore plus… Déjà, évoquer ceci semblait être très difficile pour Emily, qui commençait à être envahie par l’émotion, mais… Deux fois ?

Pourquoi diable deux fois ? Avait-elle perdue les deux ? Vu comment elle était, c’était… Peu probable… Quelque chose clochait dans cette histoire, quelque chose qui mettait la puce à l’oreille de la Centrenuit (d’où la démangeaison précédente). Elle avait vu des personnes sans scrupule agir, et… Deux fois ? Elle était revenue ? Elle devait avoir ses raisons, mais visiblement, vu ce qu’elle semblait traverser, ce n’était pas le bon moment pour lui poser…

‘’Hey… C’est passé maintenant. Il n’y aura pas ce genre de guerre sur Hope.’’ Se risquait-elle, un peu à l’aveugle, pour s’approcher, et poser sa main sur l’épaule d’Emily, un air compatissant, pour ensuite tenter de changer de sujet, mais il fallait une manière. ‘’Bon, on devrait pas tarder à s’approcher du secteur O !’’ Fit-elle, un peu abruptement, alors qu’elle claquait des doigts pour que son IA fasse le monologue pour elle !

‘’Le secteur O est le secteur de test, d’entrainement et de formation des agents. C’est ici que se trouvent les différents Champ de tirs ainsi que les Dômes de combat, des mages et de simulations pour entraîner les agents à affronter tout type d’environnement et de situation. Ce secteur dispose aussi d’un complexe pour que les aspirants et agents puissent se restaurer et se laver, privilégiant néanmoins l’efficacité à l’intimité.’’

‘’Et y’a même un piano !’’ Fit-elle en souriant un peu trop, comme si c’était le panache de toute l’histoire.

La référence à la belle au bois dormant me fit sourire un instant. M. Centrenuit n’était cependant pas la seule à avoir lié cette condition médicale et cette œuvre, cette maladie possédant un nom bien particulier…

« L-le syndrome de la belle au bois dormant, c-c’est son nom...  M-mais je suis s-surprise que vous connaissiez ! Ç-ça existe aussi, dans votre monde ?… E-enfin, en fait, mon cas n’est p-pas si compliqué...»

Pas aussi compliqué  qu’avoir plus de six millénaires, j’imaginais. Mais fallait-il préciser que la comparaison avec ce conte était encore plus poussée que cela ? C’est qu’après tout, c’était un garçon qui m’avait « libérée » de ce fardeau en affaiblissant son pouvoir, tout en « m’enlevant »… Enfin, tout ça appartenait déjà à  ce que je souhaitais voir comme un lointain passé…
Passé qui m’était revenu tel un poignard dans le cœur, alors que je n’avais fait qu’évoquer cette étape de ma vie. Un jour, il faudrait certainement trouver la force d’être moins renfermée à ce sujet… mais pas  aujourd’hui. Pas maintenant, ce… c’était encore bien trop tôt.

J’acceptais , pensive, la tentative de réconfort de M.Centrenuit qui tenta d’être rassurante quant à mon futur ici. J’hochais la tête, bien moins optimiste que la magicienne, en essayant de ne pas être trop défaitiste pour autant :

« J-je ne sais pas… Jusqu’où l-les gens seraient-ils prêts à aller p-pour voir leur vœu réalisé, s-si un tel miracle apparaissait ici ? Q-qu’est ce que vous feriez, s-si vous en aviez l’occasion ?.. »

Il n’y avait dans ma question aucun sous-entendu destiné à la juger, ou l’accuser de quoi que ce soit. J’avais juste appris beaucoup de choses sur la nature humaine, et sur le poids réel des valeurs  quand on se trouve face à nos plus profonds désirs.

Mai fort heureusement, il n’y eût -dans l’immédiat du moins- nul besoin d’approfondir le sujet, car nous arrivâmes dès alors à la prochaine étape de notre visite. La montre parlante s’empressa de décrire monotonement le secteur, zone de formation et d’entraînement. Cette histoire de tests me fit d’ailleurs tiquer :

« C’est ici q-que je vais devoir passer l-les examens, alors ? E-est ce que je p-pourrais en s-savoir plus ? E-enfin, si on a l-le droit, bien sûr… J-je veux dire, je n’ai j-jamais manié d’arme, e-et ne suis pas une g-grande thaumaturge non plus, e-et puis il arrivera quoi si je m’endors en plein milieu ?... » demandais-je, inquiète, à ma guide, ignorant volontairement ce...cette espèce d’ordinateur parlant qui commençait à me mettre vraiment mal à l’aise.

Rapidement, Emily se posa la question de savoir comment la Centrenuit avait put obtenir l’information sur l’existence de ce conte, qui  était commun aux mondes des deux demoiselles… Une particularité de plus dans la matrice dira-t-on… Mais Proxima ne comptait pas encore lacher la super grande vérité sur sa condition, et se contentait de répondre, en souriant :

‘’Je ne sais pas si ça existe dans le miens, mais ça existe dans un autre ! Héhé, j’ai toujours été curieuse, donc regarder en dehors de la boîte fut et est toujours une grande passion !’’ Répondit-elle en suggérant donc qu’elle avait récupérée l’information d’une manière trop particulière pour être expliquée facilement… Peut-être qu’elle aurait put récupérer ceci sur Hope ? Mais dans tous les cas, il demeurait qu’elle était toujours pleine de surprise, tandis qu’Emily posait des questions un peu pointues, mais au moins cela était au moins beau à voir, qu’elle soit curieuse et non pas fermée sur elle-même !

Puis, Emily partait avec un défaitisme concernant les intentions des hommes… Qu’ils étaient prêt à vouloir faire n’importe quoi pour obtenir leur vœu le plus cher… Mais comme souvent, la Centrenuit n’était pas dans la moyenne. Une sagesse ou une insouciance constante ? Personne ne pouvait vraiment le dire, mais elle répondit une nouvelle fois en souriant :

‘’Oh, je ne sais pas… En fait, je ne sais même pas ce que serait mon vœu le plus cher ! Donc il ne me turlupine pas trop ! Dans les faits… J’ai souvent le défaut de ne pas penser à demain, de ne pas voir plus loin que le bout de mon petit nez ! Oh, j’ai des objectifs hein ! Juste que je prends les choses comme elles viennent, prenant le chemin que je trouve pour m’y balader ! A une journée prête, peut-être que je n’aurais pas été sur Hope, vu que j’aurais put être occupée à ce moment là !’’

Mais une fois lancée, la Centrenuit avait aussi le problème d’aller bien loin, et elle levait les yeux au ciel, comme pour essayer d’y contempler une mélancolie certaine… Comme si la nostalgie d’un ciel artificiel avait quelque chose de beau…

‘’Toutefois, je sais qu’il y a des mystères autour de ma personne. Pourquoi suis-je la seule lucide de mon monde ? Pourquoi moi et pas un/une autre ? Qui est réellement mon créateur, celui qui peut à tout instant décider de contrôler mes actes et mes paroles ? Qu’est-ce qui se cache derrière le monde dans lequel j’évolue ?’’ La demoiselle tendait ses deux mains vers les cieux, comme pour tenter d’en cueillir les astres les plus scintillants, pour se rendre compte que ses capacités passées n’étaient plus, et qu’elle était cette enveloppe charnelle… Elle souffla un peu, pour se tourner de nouveau vers Emily : ‘’Ce sont des questions que je me pose, mais… En vrai, je ne sais pas si je les résoudrais un jour, ou même si j’en ai vraiment l’envie ! Les choses changeraient grandement si jamais je mettais le doigt dessus ! Et puis, plus important que le résultat, il y a toutes les recherches qui permettent d’y mener, héhé !’’

Puis, vint l’action de la montre, qui présenta sommairement les différents lieux, pour présenter une carte holographique, listant les emplacements des sous-secteurs avec un code couleur pour que la chose soit bien claire aux yeux de la Grimbald. Mais cette dernière posa aussi quelques questions sur sa possible admission…

‘’Eh bien, il y a toute une batterie de tests théoriques. Savoir lire, écrire, compter, etc. En somme, définir l’intelligence et donc la manière dont les tests vont être abordées. Il y a aussi les tests physiques du coup, des mises en situation réelle via simulation, etc. Mais il ne faut pas s’inquiéter ! Après tout, Sherlock Holmes était-il magicien ? Le professeur Layton était-il un combattant ? Il n’y a pas que des combattants dans une armée, il y a toute une logistiques, des personnes qui réfléchissent, qui prévoient… Tu pourrais devenir enquêtrice ! Ou enquêteuse ? Raaah, je sais plus… Mais dans tous les cas, ce n’est pas grave si tu t’endors au milieu d’un test. Hope a besoin d’aide, et ils ne refuseront une main tendue que si la personne ne convient pas psychologiquement, et encore !’’

A ses dires, M. Centrenuit ne semblait pas à la poursuite d’un rêve particulier, si ce n’était une étrange quête à son propos, dont à vrai dire je n’étais pas bien certaine d’en comprendre les enjeux. Quelqu’un pouvait la contrôler à souhait ? Comme un Master peut contrôler son Servant avec un sceau de commandement ? Ou… à l’image d’un mage et son golem comme elle l’avait précédemment évoqué ? C’était étrange ! Néanmoins, je n’étais pas non plus sûre de vouloir en savoir plus… Une entité comme elle devait être très mystique, et nos conceptions des choses bien trop différentes pour que nous puissions nous comprendre. Je souhaitais néanmoins rebondir sur sa dernière phrase, sur laquelle mon point de vue était nuancé :

« M-mais des fois, à chercher p-plus grand que soi, on finit p-pas perdre bien plus q-que ce qu’on aurait pu gagner... »

Sur ces mots lourds de sens en ce qui me concernait, j’en vins à me concentrer sur ses prochaines paroles, celles qui concernaient les terribles tests qui m’attendaient. Elle évoqua à nouveau des personnages d’œuvres terriennes -à croire qu’il y avait, sur Hope, quelqu’un de la même planète !-, citant particulièrement des… enquêteurs. Mais à vrai dire, les esprits héroïques invoqués par le Graal pouvaient être interprétés de manière si étrange qu’un Sherlock capable de faire de la magie, ou un Layton escrimeur, n’en seraient pas surprenants…
Mais étais-je vraiment quelqu’un qui devait rester en arrière, élucider des mystères, travailler des stratégies ?…

« J-je… i-il y a quelques années, j-j’aurais été r-ravie de rester en retrait… E-en fait, d-dans les guerres auxquelles j-j-ai participé, c’était même m-mon rôle, mais… j-je ne peux plus. M-mes pouvoirs s-sont utiles d-dans cette voie m-mais un peu aléatoires e-et… j-je ne suis p-pas assez rationnelle p-pour enquêter… E-en fait, en tant que mage, je...je suis... »

Un relent me prit au cœur à cet instant. Il me fallut une grande inspiration pour continuer :

« u-une utilisatrice de… familiers.  E-enfin… j’étais. M-maintenant, j-je n’ai plus q-que… mes poings.»

Au sens littéral. Je ne disposais d’aucun sort offensif, ne maniais aucune arme, ne possédais que mon intuition surnaturelle comme capacité d’enquête, mais pas la force d’esprit pour assembler rigoureusement des preuves car mes émotions avaient bien plus tendance à me contrôler que l’inverse.

« ...E-et bien sûr, q-quelques sortilèges de soutien m-mais je ne pense pas...q-que Hope soit venu pour ça. »

Ahlala… Les choses n’étaient pas évidentes avec la demoiselle Grimbald… En effet, il semblait que tous les malheurs du monde lui étaient tombés dessus en même temps, si bien qu’elle refusait maintenant de voir les couleurs des choses. Si tout n’était que nuance de gris avec elle, comment pouvait-elle aller de l’avant ? En se lançant sur une toute nouvelle aventure telle que Hope ? Pour fuir son monde qu’elle ne semblait pas apprécier ? Est-ce que le fait de venir sur Hope était un choix ? Ou une nécessité… En fait, il semblait que c’était le second cas… Qu’elle devait être ici, mais qu’en même temps elle n’avait que peu à y faire… Et est-ce que la patience de la Centrenuit serait suffisante pour réussir à gérer cette demoiselle ?

Ecoutant la réponse d’Emily, qui disait qu’elle ne pouvait pas rester en retrait car… Elle ne servirait à rien, selon elle, ceci réussit à faire soupirer la Centrenuit, qui n’eu d’autre choix que de pianoter sur sa montre, en disant :

‘’Hopewatch, fais-nous écouter les enregistrements de neuf heure dix-sept et douze secondes.’’

‘’A vos ordres.’’ Répondit d’une manière parfaitement neutre la montre, avant de processer un peu pour sortir à peu de chose près la voix de la Centrenuit :

‘’Si Hope a décidé de te contacter, c’est qu’ils souhaitent que tu les aides, que tu ne sois pas une grande sportive ou une grande magicienne, qu’importe ! J’ai eu mo…’’ La monte ne poursuivit pas, stoppée par Proxima qui appuya sur un bouton, en baissant un peu son sourire, pour prendre une expression plus grave. Son regard, étincelant d’étoile, laissait voir presque une insatisfaction dans sa psyché…

‘’Emily. Tout le monde peut aider. Tout le monde peut participer au grand projet que Hope mène pour protéger l’univers. Tout le monde… Sauf ceux qui ne pensent pas en être capable.’’

La Centrenuit n’était plus la joyeuse et innocente demoiselle qu’elle était si souvent. S’adossant contre un mur, elle alla même jusqu’à croiser les bras en soufflant un peu.

‘’En te concentrant uniquement sur tes faiblesses… Tu ne pourras aider personne. Ce qu’il faut, c’est voir les bons côtés, voir ses forces, ses avantages, et les utiliser ! Si Hope souhaite que tu viennes les aider, c’est qu’ils ont vu ces qualités que tu as ! Mais… Je pourrais répéter ceci un millier de fois, ou plus même, ça ne servira à rien… Ce n’est pas à moi de te dire quels sont tes qualités, c’est à toi de les trouver, de te persuader que tu en as.’’

Elle soupirait, une nouvelle fois. Elle voulait aider Emily, mais là ce cas dépassait ses maigres compétences psychologiques, et de loin.

‘’Si tu as besoin d’aide, tu as presque 69 millions de personnes  qui sont là pour t’accompagner et t’orienter. Mais aucun d’entre eux ne pourra agir pour toi si tu refuses leur aide.’’

Se grattant l’œil, la Centrenuit essayait de ne pas dire certains mots… Si tu ne te sens pas capable d’aider la station, tu n’as qu’à rentrer chez toi était le parfait exemple de ce qu’elle ne devait pas dire… Elle devait accompagner Emily à parler un peu de ses motivations… et pour ça, la Centrenuit était surement trop directe :

‘’Emily, quelles sont tes motivations pour t’être engagée en tant qu’agent ?’’

Avant même que je n’en prenne conscience… le ton de la conversation venait de changer. M. Centrenuit, qui paraissait jusque là si insouciante et détachée, devint d’un instant à l’autre bien plus sérieuse, presque… moralisante. Il y avait comme un reproche dans sa voix jusque là enfantine, celui de trop me morfondre, de ne voir que mes défauts.

Avais-je dis une telle chose ?… Peut-être. Peut-être qu’à vouloir rester trop réservée, je n’avais exprimé que mes faiblesses, qui, certes nombreuses, n’en étaient que pour une raison précise… Mais il y avait également un autre fait : Je n’aimais pas parler de mes atouts, qui, certes peu nombreux, l’étaient pour cette même précise raison.
Quand bien même… M.Centrenuit me tendait la main. C’était très gentil de sa part d’essayer, et je ne pouvais pas non plus rejeter sa sympathie. Il allait falloir que je m’explique, c’était la moindre des choses pour lui rendre honneur.

Alors calmement, sans un mot, je vins me placer devant une des vitres qui décoraient le couloir, une qui offrait une vision sur le vide interstellaire, rappelant que ce lieu n’était qu’artifice de métal :

« J-je ne me suis pas bien exprimée...c-ce n’était pas très correct, j’en suis n-navrée. »

Lentement, mes doigts vinrent se poser sur le verre, avec une délicatesse sans nom, comme si le moindre contact pouvait réduire cette invisible barrière à néant :

« J-j’ignore vos capacités, votre équipement, a-ainsi que la sécurité de cet endroit… m-mais si je m’en tiens à mes c-connaissances, si c-cette paroi disparaissait, b-beaucoup de gens en mourraient. »

Je me tus un instant, cherchant mes mots en observant mon reflet faiblement visible dans la glace. Ma respiration était cette fois paisible, calme, alors que je cherchais l’harmonie avec moi-même :

« M-mais si quelqu’un possède la capacité d’empêcher q-que cela n’arrive… cette p-personne n’aurait-elle pas alors la responsabilité de le faire ? M-moi, e-en tout cas, c’est ainsi que je vois les choses... »

Mes yeux se fermèrent, afin de ne rien voir, et ne ressentir que les battements réguliers de mon coeur… ainsi que l’autre chose :



« M-même si je n’en garde aucun souvenir...t-toute jeune, j’ai été victime d-de ce qu’on appelle une possession démoniaque… dont j’ai été sauvée, m-mais pas sans séquelles. D-depuis, mon âme ne m’appartient plus entièrement. C’est un reflet du monde qui m’entoure...un reflet intemporel, dans lequel le passé et le futur ne font qu’un. J-je peux percevoir le temps, le ressentir… y trouver des bribes d'événements qui se sont produits, ou pourraient se p-produire. E-et ce..en permanence. V-vos gestes, j-je les ressens une fraction d’instant avant que vous ne les effectuiez, v-vos paroles me touchent légèrement avant que vous ne les prononciez. E-et parfois, surtout dans mes rêves, j-je fais des visions… dont la portée peut s’étendre j-jusqu’à plusieurs mois. M-mais comme je vous l’ai dit, ce don s’accompagne d’une malédiction, de contrecoups médicaux qui s’aggravent d’année en année.

C-c’est mon premier fardeau… Mais aussi et surtout, m-mon premier et principal atout. Il m’a sauvée la vie, d-de nombreuses fois, e-et oui… il est pratique p-pour enquêter, ou me défendre, m-même s’il n’est pas aisé de l’utiliser.
A-alors, si q-quelque chose devait arriver à cette vitre… j’aurais une chance d-de pouvoir le découvrir avant que ça n’arrive. D-donc par analogie… j’en suis responsable. »

Mes paupières se rouvrirent enfin, et je pouvais lire l’épuisement dans mon propre reflet. Le voyage avait été long, et je ne pouvais rester bien longtemps éveillée. Je tournais alors partiellement la tête vers M. Centrenuit, de façon à l’avoir dans mon champ de vision, mais sans l’observer directement. Mais mon monologue n’était pas encore terminé :

« Mes idéaux. Mes valeurs. Mes rêves…. Ma vie. T-tout cela est secondaire en comparaison de ce devoir. J’ai longtemps cru...q-qu’ils pourraient cohabiter. Q-que je pourrais conserver mon indépendance… t-tout en faisant ce que je croyais juste. Qu’il était possible de sauver tout le monde sans avoir à faire couler le sang… que chaque personne croyait, au fond, à mes valeurs, et qu’il suffisait de leur rendre l-la foi pour qu’ils y adhèrent, qu’ils suivent eux aussi ma vision du « Bien ». Persuadée d’être dans le vrai, oui, j-je me suis battue… en retrait. En soutien. En logistique. Les êtres les plus chers à mes yeux, i-ils… ils se sont tenus à mes côtés, ont participé à c-cette folie à mes côtés… m’ont défendue j-jusqu’à leurs derniers instants. Et pourtant... »

Mon regard éteint se posa à nouveau sur le vide, et mes doigts, fatigués, glissèrent le long du verre pour retomber mollement sur ma cuisse :

« Même après ça… j’ai été jusqu’au bout de ma stupidité. Avec mes poings, j-j’ai martelé de toutes mes forces l-le plus dangereux de mes adversaires… jusqu’à c-ce qu’il s’effondre, q-qu’il soit à ma merci, q-qu’il ne reste qu’à l’achever. M-mais je ne l’ai pas fait. Je l’ai épargné, au nom de mes illusions. Et par ma faute, p-parce que j’ai favorisé mes convictions à m-mon devoir… cent vingt-sept millions d’ autres innocents ont perdu la vie. »

Un chiffre qui n’était rien d’autre… que la population du japon. Il n'y avait rien d'autre à dire, rien d'autre à faire que de constater d'un œil pragmatique les faits, tant ce chiffre n’a aucun sens pour un esprit humain. Et je préférais ne pas m’y attarder, me tournant cette fois complètement vers mon interlocutrice. Des larmes, une fois n’est pas coutume, recommençant à couler :

« A-alors c’est vrai… je pourrais rester en soutien, fabriquer de nouveaux familiers c-comme si la disparition des anciens ne voulait rien dire, e-et laisser les autres combattre… M-mais je ne suis pas là p-pour ça. J-je vous ai mentie...q-quand j’ai dit que je voulais aider Hope. S-si je suis là, l-loin de chez moi, c’est parce que je ne p-peux pas regarder les humains dans les yeux… p-parce que je suis une honte p-pour ma famille e-et pour tous les mages. J-je suis là parce que j’ai une dette, q-qui ne sera remboursée que si j’élimine l-les menaces p-par moi-même… pas en l-laissant les autres prendre les risques.
Non, j-je ne viens pas me battre p-parce que j’en ai envie… m-mais parce que je le dois. »

Est-ce que la curiosité était véritablement ce petit vilain défaut ? Celui que l’on disait qu’il était le principal problème des esprits vifs et intellectuels ? Après tout, l’on vantait souvent la curiosité intellectuelle comme une grande qualité, mais… Dans cette situation, ce n’était pas le cas. Socialement, cela pouvait être un tourment. A trop vouloir en apprendre sur les autres, on finissait par exposer leurs blessures, leurs plaies, celles qui ne devaient pas être découvertes, qui ne devaient pas être vus… Et évidement, une nouvelle fois, la Centrenuit avait gaffée… Grandement gaffée, au point d’être une nouvelle fois l’origine des pleurs d’Emily…

Est-ce qu’elle jugeait la jeune femme pour ses actes ? Non, pas le moins du monde. Certes, elle lui avait cachée la vérité, elle lui avait dissimulée ce qu’elle avait put faire de là d’où elle était originaire, mais… Elle n’en voulait pas à Emily. Elle était surtout surprise, mal à l’aise d’avoir éveillée les tourments de celle aux cheveux violacés. Bon sang, mais elle aurait dût se taire, ELLE AURAIT DUT SE TAIRE… Ou peut-être que non. Aucunement Proxima n’était une spécialiste en psychologie, et il était peu probable que quelqu’un de plus qualifiée qu’elle puisse intervenir… Et ce n’était pas forcément plus mal. Après tout, plutôt que de nier en bloc, plutôt que de tout réfuter ou de s’éloigner… Elle s’était confiée. Elle avait avouée, au risque d’être rejetée… D’un certain point de vue, cela lui faisait croire qu’il y avait de l’espoir, même s’il serait certainement au terme d’une route longue et périlleuse…

Dans tous les cas, elle s’avança de quelques pas, pour rejoindre Emily au niveau de la glace. Les deux plus petites agents de Hope ne payaient pas de mine actuellement, face à une glace qui ne laissait qu’un léger reflet, qu’un fantôme qui était entre elles et le monde entier de la station spatiale…

‘’Vu que tu t’es confiée à moi… Je vais en faire autant.’’

Musique

‘’Vois-tu, lorsque je t’ai dis que j’avais six milles trois cents vingt sept ans… Ce n’est pas l’exacte vérité. En fait, ça dépend de qu’est-ce que l’on définit comme étant mon… « âge ». En fait, je suis même plus jeune encore que toi. Je n’ai que deux ans et quelques mois d’existence… Et pourtant, l’autre affirmation comme quoi j’ai plusieurs millénaires et également vraie.’’

Même si Emily pouvait être sur la voie, il s’agissait du secret le plus important qu’avait la demoiselle. Sentant un doute en elle, elle resta un temps silencieuse, avant d’enlever sa HopeWatch, et de la jeter en arrière, à quelques mètres. Cela ne changerait rien dans les faits, la montre continuerait d’enregistrer, mais cela avait une importance plus symbolique. Ce n’était pas l’agent de Hope qui parlait à Emily, mais la personne, sans fonction, sans grade, sans rien.

‘’Te souviens-tu de l’histoire du narcoleptique que je t’ai racontée tout à l’heure ? Comme quoi il était le golem d’un magicien… Eh bien… C’est mon cas aussi. Je ne suis pas réellement… « Vivante ». Si l’on veut modifier ma taille, une simple modification de paramètre dans des choses que je ne peux voir fait que du jour au lendemain, je pourrais gagner des dizaines de centimètres… Mais tout mon monde est comme ça, tous les gardiens…’’

Elle se retournais, pour être adossée contre la vitre, alors qu’elle faisait disparaitre d’un claquement de doigt son chapeau coloré tout en regardant la lampe de Hope, la détaillant comme s’il s’agissait du saint graal…

‘’Un MMORPG. C’est comme ça que mon monde s’appelle. Je ne suis que le personnage d’un autre, obéissant à ses moindres faits et geste. S’il venait à se lasser de moi, il ne lui suffirait que de simples clics pour me faire disparaitre. Lorsqu’il est là, je ne contrôle plus mes mouvements, mes paroles ou mes sorts. Je ne suis plus que spectatrice, devant m’accoutumer à cette présence qui me domine…’’

Et elle baissait les yeux, pour regarder cette fois-ci le sol, s’il était aussi intéressant que le reste.

‘’Mais ce que j’ignore, c’est pourquoi… Lorsqu’il n’est pas là, je peux avoir le contrôle. Tous les autres disparaissent, mais pas moi. Ma vie est partagée entre le contrôle d’un autre et mes pensées. Je suis presque… Artificielle en fait. Je n’ai pas besoin de manger, de boire ou autre. Je ne sais même pas si sous ma peau, il y a un cœur qui bat…’’

Elle finit par souffler, alors que ses lèvres bougeaient un peu, ne sachant pas si les choses seraient suffisantes ou non. Mais elle reprit, expliquant ce qui avait été évoqué précédemment :

‘’Cela fait deux ans que j’ai été créée ainsi, que mon nom, Proxima Centrenuit, a été enregistré sur un serveur. Mais mon histoire a été inscrite sur une simple fiche, disant que j’étais la gardienne des astres, que j’avais autant de millénaires… Et pour moi, même si ce ne sont que des mots, c’est la seule chose qui me permet de croire que je suis réellement quelqu’un. Je n’ai aucun souvenir de ça, alors je me les créer. Je fais comme si j’avais vécue des aventures, comme si j’étais cette personne joyeuse et insouciante que les gens croisent, apprécient ou détestent.’’

Finalement, elle vint à fouiller dans sa poche, comme si elle pouvait avoir quelque chose… Après tout, n’était-elle pas aussi habillée qu’une prestidigitatrice ? Les mouchoirs, elle pouvait les multiplier non ? Dans tous les cas, elle réussit à en trouver un, pour le tendre surement trop tard à Emily. Peut-être aurait-elle dût commencer par là… Mais peut-être aurait-il été refusé aussi…

‘’Nous avons ou aurons tous quelque chose de brisé en nous. C’est quelque chose que l’on ne peut éviter, je crois… Même si nos cas sont un peu différents toutefois… Mais écoute…’’

Elle s’apprêtait à entrer dans le cœur même du sujet… Ce qui tourmentait Emily. Elle savait bien qu’elle ne pourrait pas guérir ceci avec de simples mots, ni même si elle réussirait à l’aider, mais… Elle était prête à tenter le coup.

‘’Les responsabilités… Le devoir… Tout cela… Je jette. Il n’y a pas de méchant ou de gentil, il n’y a que des êtres qui agissent, par conviction. Et certains ont la conviction qu’ils aideront le monde en arrêtant d’autres d’agir, qui eux même se battent pour d’autres convictions. Les codes d’une société ne sont au final que des points sur lesquels les gens se rassemblent tout en essayant de normaliser ceci, de faire croire à tous les autres que ceci est… « Bien ». Par exemple, le meurtre. Je suis prête à parier que tu considères ça comme une chose « Mauvaise »… Mais dans un monde où les gens ressuscitent sans le moindre problème… Serais-ce une chose si grave ? Peut-être même que les gens se tueraient pour se dire bonjour.’’

Elle essayait de sourire, un peu, avant de s’asseoir sur une barrière, comme si de rien n’était, toute proche d’une chute d’une bonne vingtaine de mètres.

‘’Chaque personne a ses côtés sombres, ses bons côtés et ses convictions. Tu as les tiens. L’homme que tu as épargné avait les siens, en pensant que ses actes allaient mener à quelque chose de « mieux ». Et… je n’échappe pas à ceci.’’

Elle soupirait, alors qu’elle commençait à se balancer d’avant en arrière, et tenant presque uniquement à la force de ses mains.

‘’Ne laisse pas le passé te tourmenter. Ne laisse pas ces faits te torturer, mais, aucunement, ne les oublies. De faiblesse, fais-en une force. Fais-en la motivation de poursuivre, armes-toi de ce courage pour parvenir à aller de l’avant, et même si tu le penses…’’

Souriant légèrement en coin, la demoiselle bascula en arrière en mimant la maladresse, avant de remonter quelques secondes plus tard, assisse et lévitant sur ses trois sphères…

‘’Tu n’es pas seule. Parce que tu es là, d’autres auront envie d’être avec toi, de t’aider dans tes objectifs, de discuter. Je… Je veux t’aider Emily !’’

Ce qui était en train de se passer était impensable. Jamais je n’aurais imaginée devoir parler autant de moi à la première personne venue… Était-ce une erreur ? Trop en dire révélait les faiblesses, et je n’avais plus le droit d’échouer. Mais en même temps… fallait-il voir les choses ainsi dans le cas présent ? Car M. Centrenuit venait d’en faire autant, me révélant l’étrange secret de sa nature. J’essayais tant bien que mal de comprendre les tenants et aboutissants de son état, par analogie avec tout ce que je connaissais. Les Servant étaient des carcasses vides, dans lesquelles on implantait les données et souvenirs d’un esprit héroïque, qui devait ensuite combattre sur les ordres d’un mage. Les homonculus étaient des êtres artificiels, nés avec des connaissances innées et destinés à servir leur créateur. Les familiers s’en rapprochaient aussi… mais en demeuraient trop différents.
… Non. Elle n’était rien de tout ça. C’était comme si… un personnage de mes dessins avait pris vie, prenant pour identité l’histoire que je lui aurais imaginée. La matérialisation la plus pure et simple de l’imagination ? L’agente serait née d’un miracle proche de la première Magie ? Mes yeux, humides mais penseurs, restaient rivés dans le vide :

« Je… je ne suis p-pas certaine de pouvoir c-cerner l’envergure d-de ce que c-cela représente, parce que m-même pour les mages, ce genre de chose n-ne se trouve que dans les légendes. M-mais j-j’imagine, e-enfin je pense pouvoir… v-visualiser ce que signifie être la c-création de quelqu’un d’autre... »

Je m’étais préparée à découvrir de nombreuses choses différentes de ce que j’avais connu. Des choses anormales, des choses étranges. Mais en cet instant, j’avais l’impression d’avoir trouvé la plus étrange de toute… mais était-ce ça l’important ? Mes yeux se fermèrent, alors que mon esprit embrouillé cherchait la réponse au sein de mon monde intérieur.
Non… quelque part, j’en avais déjà vu assez. Recentrer sur l’essentiel. Chercher l’équilibre. Cet univers cachait trop de mystères pour que l’on puisse s’émerveiller à chacun d’eux. Oui… l’important était ailleurs. J’ouvris mes paupières, me tournant vers ma guide :

« T-tout ce dont je suis certaine, c-c’est que vous êtes là, e-et pas dans un monde virtuel. L’univers e-est remplis de secrets, p-pour le moindre de ses habitants… q-qui sommes-nous ? Où allons-nous ? P-pourquoi sommes-nous là ? P-personne n’y échappe, e-et je crois  q-que vous, p-particulièrement, n’y faîtes pas exception. M-même si votre nature e-est particulière, v-vous êtes là, v-vous pensez et ressentez… les choses q-que vous vivez et les souvenirs q-que vous accumulez n’appartient à p-personne d’autre. C-c’est votre… identité. »

J’acceptais son mouchoir, le gardant cependant en main sans savoir quoi en faire, me replaçant face à la vitre, pensive envers le reste de son discours. Oui, ses remarques sur les convictions étaient justes, à un détail près :

«L-les guerres auxquelles j’ai participé… n’opposaient rien d’autre q-que des gens convaincus d-de leurs actes. P-pas nécessairement des p-personnes p-possédant une vision du bien ou du mal. M-mais pour votre exemple… v-vous avez sans doute raison. M-mais je sais que nous vivons d-dans une réalité où les morts ne reviennent pas à volonté. C-cela me suffit pour c-considérer que le meurtre est un mal. M-même s’il est parfois nécessaire. »

Bien sûr, il existait des pouvoirs capables de réaliser cela, et ma seconde guerre du Graal possédait des règles pouvant ressusciter les participants morts, contre un lourd tribut. Mais ces cas étaient trop exceptionnels pour faire changer ma position :

« J..je ne suis p-pas meilleure que les autres. J-je sais maintenant que prendre d-des vies est… inévitable. »

Maintenant… avais-je le droit d’échapper aux conséquences ? De garder ce souvenir en moi, comme source de ma force, comme lumière dans les moments sombres ? M. Centrenuit avait encore une fois presque raison en ce qui me concernait… Je devais « avancer ». « Aller de l’avant ». C’étaient là les mots que mon moi passé aurait certainement prononcé aussi. Et il y avait de la raison à l’intérieur… mais ce n’était pas de raison dont j’avais besoin. Plus maintenant.

Alors je me tournais vers elle, droite, mes mains croisées, un sourire amical au visage,  avant de m’incliner légèrement en avant. Je voulais être sincère. Ce n’était pas une conversation où le mensonge avait sa place, mais parfois, toutes les vérités n’étaient pas bonnes à entendre. Il était important de lui faire comprendre qu’elle ne devait pas mal prendre ce qui allait suivre :

« Vous êtes gentille, M. Centrenuit. V-vraiment. Votre b-bonté me touche, q-que je la mérite ou non. »

Mais je me redressais ensuite, la fixant dans les yeux… pour m’assurer, même si c’était un peu dur, que ce message passe :

« C’est pour ça que je voudrais… q-que d’autres personnes en bénéficient. D’autres personnes… q-qui ont besoin de ce soutien, qui peuvent être sauvées. M-moi… je ne serais pas là si ma résolution n'était pas absolue. »

Musique

Emily semblait avoir de nombreuses interrogations concernant la création de la Centrenuit, essayant de visualiser la chose avec les lois et la magie qui régissait son monde, sauf que les choses n’étaient évidentes… Faire que le personnage que vous dessiniez, que vous décriviez, se mette à s’animer de lui-même et à vivre comme s’il était le héros d’une nouvelle histoire n’était pas une chose qui pouvait s’expliquer. Après tout, personne n’avait put rencontrer cela, mais n’était-ce pas la chose qui pouvait rendre le plus fier possible un artiste ? De voir ses créations littéralement prendre vie ? Surement… En tout cas, elle demeurait exceptionnelle, mais tout le monde l’était à sa manière.

Dans tous les cas, Proxima essayait de sourire, de faire en sorte que son sourire soit communicatif, alors qu’Emily mentionnait l’immensité de l’univers et toutes les choses que l’Humanité ne connaissait pas. Des mystères autant scientifiques que psychologiques. Après tout, même Hope n’était qu’un pixel de l’univers, qui avait une résolution d’enfer ! Alors comment les gens pouvaient se représenter dans un simple pixel ? Compliqué, hum ? Bref, Emily tentait de montrer que Proxima était bien une personne… Et elle avait raison, elle avait ses souvenirs, mais c’était aussi grandir dans un musée de marionnette. Ces dernières ne s’activaient que quelques fois. Le reste du temps… Elle vivait seule. C’était surement pour ça qu’elle était drôlement sociable, affable et tolérante, pour rencontrer avec facilité des personnes… Et même si théoriquement elle pouvait se désintéresser directement d’une personne vu qu’elle en rencontrerait d’autres, la demoiselle était du genre tenace sur ce point !

Et elle le serait envers Emily ! Toutefois, cette dernière mentionnait que le meurtre était une nécessité, mais qu’elle considérait que c’était mal…

‘’Personne n’est parfait. S’il y avait un héros capable d’éviter ceci, pourquoi ne l’aurait-il pas fait ? Et si le meurtre est nécessaire, c’est uniquement parce que la société en a besoin. Je te l’assure ! Et le fait que tu considères ça comme un mal… Signifie que tu souhaites faire changer les choses ! Sinon, tu te contenterais de fermer les yeux, comme tant d’autres !’’

Encore une fois, elle allait sur le fait qu’Emily devait aller de l’avant… Et si elle avait fait ce rapide lien, c’était aussi parce que la jeune femme ne devait pas être ainsi… Elle voulait la voir sourire, la voir déployer des ailes aussi grandes que Hope et… Peut-être pas littéralement, certes, mais dans le principe ! Néanmoins, la demoiselle essayait de sourire au moins, avant de dire avec sincérité que même si Proxima était gentille, elle… Ne souhaitait pas être aidée ? Si cela aurait put marcher sur d’autres, le personnage n’était pas aussi simple que ça à dissuader ! Souriant en coin, elle secoua un peu sa tête en même temps qu’elle haussait les épaules, avant d’indiquer d'un simple non de son doigt son désaccord, pour répondre :

"Oh, I don't think so !" Commença-t-elle, avant de reprendre : ‘’Il y a soixante neufs millions d’habitants sur Hope, près de neuf cents millions sur Akerys, deux milliards sur Val, quatre virgule deux sur Nefyria et plus de douze milliards sur Solarii ! Ça fait un peu trop de gens à s’occuper non ? Chacun à des problèmes. Et simplement, je ne peux pas m’occuper de tous le monde, je suis obligée de faire des choix… Et je préfère ne pas trier mécaniquement en fonction de celui qui a plus besoin qu’un autre. Il n’y a pas une barre de nécessité, une valeur ou autre. Donc, si je dois choisir, c’est uniquement que j’aide une personne que j’ai envie !’’

Théoriquement, Emily devait savoir où la Centrenuit voulait en venir. Continuant de léviter sur les sphères, elle conclut donc ainsi :

‘’Si je souhaite aider quelqu’un, je l’aide ! Oh par exemple ! J’aide la première agent de Hope que j’ai rencontré à apprendre à lire ! Donc, Emily, n’espère pas te passer de mon soutien, ou alors il faudra d’abord me passer sur le corps, héhé !’’

Il fallait bien admettre que M. Centrenuit était têtue ! Même après mon refus, celle-ci continuait d’insister à vouloir m’aider, quand bien même je ne voyais pas ce qu’elle pourrait faire. Néanmoins c’était son choix, et si elle désirait persévérer dans cette voie, qu’elle le fasse. Je ne comptais pas essayer de l’en empêcher :

« J-je pense que c’est vain… m-mais vous êtes libre de faire ce que vous voulez. Je souhaiterais juste… je souhaiterais juste que personne ne souffre du manque de soutien, v-voilà tout. I-il y a plein de personnes géniales qui m-mériteraient qu’on leur vienne en aide.  C-comme l’agente à qui vous apprenez à lire, c-certainement.»

Est-ce qu’il fallait continuer d’en débattre et tourner en rond ? M. Centrenuit avancerait selon ses convictions tandis que j’en ferai autant, et seul l’avenir dira ce qu’il en ressentira. Pour l’avenir qu’il me restait…
Mais au moins, je pouvais tenter de dissoudre le doute sur un point :

« N-non, je… ne veux pas changer les choses. J-je les constate, c-c’est tout… J’ai arrêté de vouloir c-changer quoi que ce soit. Ce n’est pas la société, c’est… u-une règle universelle. T-toute vie existe g-grâce à la mort d-d’autre chose. On ne peut… rien y faire. E-et dans le cadre d’une société...p-peut-être qu’un jour, c-ce héros apparaîtra  pour changer l-les mentalités, m-mais je n’essayerai plus de l’être. »

Lutter contre était une bataille perdue d’avance. Je l’avais appris à mes dépends, et ne comptais plus me dresser contre cette réalité écrite dans le marbre. Plus jamais.
Ma vision se troubla un instant, alors qu’une grande fatigue m’accaparait… Cette discussion avait terminé de m’épuiser, sur le plan émotionnel, mais il y avait encore beaucoup à faire :

«  On devrait p-peut-être reprendre la visite… J’aimerais r-régler toutes les q-questions administratives r-apidement, o-où je crois q-que je vais m’endormir s-sur place. C-ce n’est pas q-que v-vous me dérangez ! M-mon corps s’épuise juste v-vraiment vite...» terminais-je, juste avant qu’un bâillement involontaire ne vienne illustrer mon propos.

Encore une fois, Emily n’était pas très optimiste sur les actions de Proxima. Elle était même pr^te à les considérer comme désespérée… Mais après tout, c’était un peu tout le cas de la gardienne des astres ! Un cas aussi désespérant que désespéré, ce qui allait parfaitement à la Centrenuit ! Donc aider Emily, même si cela pourrait ne mener à rien, était une chose qu’elle était prête à faire. Parce qu’elle en avait décidée ainsi ! Il faudrait juste qu’elle trouve les moyens de le faire… Car après tout, Emily allait devoir passer bien des tests avant de devenir une agent… Et donc, pour l’aider… Ce que pouvait faire Proxima serait de l’aider à passer les tests… Ou tout du moins, à réussir à ce qu’elle donne le meilleur d’elle-même lors du jour où elle devrait faire face à l’adversité !

‘’Dommage pour toi, je suis du genre à prendre des risques !’’ Faisait-elle en affichant un sourire un confiant, presque de défi ! Certes, il s’agissait de l’avenir d’Emily qui était en jeu, mais vu comment la Grimbald s’évertuait à la décourager, elle prenait ça comme un challenge, ce qui était totalement l’inverse que cherchait à faire Emily. Donc plus la jeune femme chercherait à procéder ainsi, plus Proxima serait motivée pour le faire !

Donc peut-être que son discours blasé et triste était un peu vrai, mais Proxima croyait en l’étincelle d’Emily. Le véritable héros n’existait pas, mais tout le monde pouvait accomplir des actes « bons », tout du moins à ses yeux. Donc si Emily demeurait être inactive, elle allait peut-être se faire bottées les fesses par la Centrenuit, qui allait la faire danser dans une tornade, tel celle qu’elle vivait au jour le jour.

Mais en effet, il valait mieux reprendre la visite ! Emily mentionnait le fait qu’elle fatiguait, ce qui… Bon, elle passait dessus. Après tout, il ne fallait pas désespérer sur le sort de la demoiselle !

‘’Oh, si tu t’effondres, je te rattraperai ! Ma magie me permet de léviter !’’ Tout en disant ça, elle claquait des doigts alors qu’elle se mettait en marche, pour continuer sa petite lévitation, s’amusant. Et tant qu’elle y était, elle n’oublia pas, chose importante, de récupérer la montre qu’elle avait jetée précédemment. Un coup à avoir de sales histoires ça. Mais bref, passons ! Donc la marche se relançait, en direction du dernier secteur que devait visiter la Grimbald, qui n’était rien d’autre que le secteur H ! Mais pour cela, il faudrait déjà l’atteindre, donc un peu de marche supplémentaire…

‘’Oh, pour s’y rendre ! On a qu’a prendre les transports en commun ! Il y en a plein, partout, et ils vont super vite ! Tu va voir, ça va simplifier toutes les choses ! Et puis, ça va te permettre de découvrir. De plus, comme tu es de l’organisation, c’est gratuit ! Et ça, c’est… Awesome ! Héhé, ils fournissent plein de trucs en fait Hope… Faut croire qu’ils tiennent vraiment à nous chouchouter. Faut dire aussi que ce qu’on est censés faire n’est pas simple, mais… Hé, j’y crois !’’