En voilà un plan d’action des plus efficaces. Les muscles encaissent et le cerveau travaille pour éviter de se dépenser inutilement. Rien ne servait de s’élancer dans une bataille sans une analyse profonde et intelligente de la situation, ainsi qu’une évaluation des ressources disponibles et sacrifiables. C’est exactement ce que Nashar avait fait le temps d’accumuler assez d’énergie pour lancer son offensive. Si cette méthode prenait un certain temps, elle avait au moins le mérite d’afficher un puissant guerrier d’un point de vue externe. C’était grâce à l’élaboration de ses stratégies que l’Empereur s’était faites une réputation d'implacable à Valice. Dommage qu’elle ne l’ait pas suivi ici.
Le bleuté écouta l’irrémédiable réponse de Geleerde à son “compliment”. S’il ne l'admettait jamais, il détestait ses retours de réponse parfaite à ses traits d’esprit. Cela pouvait contraster avec son fort esprit analytique décrit plus haut, mais il avait du mal à renvoyer les piques, surtout quand il s’agissait de Geleerde. Bien sûr, avec assez de temps, il parvenait à trouver la réplique parfaite, mais hélas, le timing n’y était plus. Il se contenta donc d’afficher un léger sourire en répondant d’un simple :
Jalouse…
Des bruits dans la brousse sortirent le couple de ce qui se rapprochait le plus des préliminaires pour eux. Charognards et carnivores en quête de pitance, la faune hostile venait surement tenter leurs droits à participer au cycle de la vie. Malheureusement pour eux, il n’y avait aucune viande de disponible pour l’instant… À part eux-mêmes, au vu de l’appétit guerrier soudain de la louve. S’en suivirent donc plusieurs joutes de quelques secondes chacune, où l’indomptable domptait tigres géants, sangliers carnivores et volailles anthropophages. Une sauvagerie inutile ? Pas aux yeux de Nashar. Pendant que ses Golems retenaient toujours l’immense Herita, lui pouvait contemplait Geleerde dans toute sa splendeur.
Fille de lune aux cheveux ébène, ses yeux rouges transperçaient jusqu’aux sangs des victimes de ses griffes. Pourtant, le bleuté ne pouvait qu’estimer ces bêtes chanceuses de n’avoir eu affaire à elle que quelques instants. Lui qui l’avait côtoyé depuis ses jeunes années d’adultes, il savait le sort qu’elle réservait à ses véritables ennemis, ce qui l’empêchait constamment d’entreprendre des réellement actions hostiles contre elle. Après tout, elle était celle qui devait mettre un terme à sa vie, tôt ou tard. Mieux valait tard que tôt.
Le sortant de ses réflexions, le regard d’Herita vint croiser le sien. Nashar put immédiatement y lire la confusion et un soupçon de peur. C’était logique : il était à la merci de ses adversaires qui s’étaient soudainement mis à nettoyer la zone des espèces la peuplant. Nashar s’avança donc naturellement vers lui, puis lui mit un pique de glace fraichement créé sous le cou.
Je vais te libérer le bec. Si tu tentes une action hostile, tu meurs.
Simple et concis, le bleuté n’attendit de pas de confirmation de la part de son prisonnier pour faire ce qu'il venait d'annoncer.
Nous ne sommes pas ennemis, mais nous ne sommes pas amis. De ce qui nous concerne, nous voulons simplement rentrer chez nous sans embrouille, et revenir ici de temps à autre sans nous faire attaquer.
Le malchanceux repensa alors à toutes les fois où il s’était fait attaquer sans raison à Val.
Beeeh.
Ah ? Le pleutre qui n’avait pas fait acte de présence depuis le début de la bataille était maintenant de retour, quand le calme était revenu. Le bouc partageant le corps de Nashar était bien différent de ce dernier. Pourquoi diable une fusion de ces deux êtres ?
Alors déhérisse-moi ces plumes. Montre-nous que tu as compris et nous ne te traiterons pas en ennemis.
Hérita prit quelques secondes de réflexions. Au vu de sa situation, s’en sortir sans plus de blessure était une aubaine. Surtout en étant témoin de la puissance de ses geôliers. Mais sa fierté, déjà bien mis à mal ses dernières années, l’empêchait d’entendre raison.
Achevez-moi plutôt !
Nashar transperça alors la peau du cou de l’oiseau, jusqu’à ce qu’une goutte de sang perle sur ses plumes.
Je ne suis pas très familier avec l’anatomie de ton espèce. Néanmoins, j’imagine que si je pousse plus loin, je t'exaucerai. Est-ce cela que tu veux ? N’as-tu pas d’autres objectifs à attendre ? Ceux qui t’ont poussé à nous attaquer si ardemment ?
L’Empereur se foutait royalement de la coopération d’Herita. Toutefois, la situation le faisait exulter. Encore plus satisfaisant que d’écraser un ennemi : le réduire en pièce, l’obliger à conspuer sa fierté, voir ses blessures mentales s’inscrire au plus profond de sa chair. Un véritable repas de délice, qui commençait par le regard résigné de l’oiseau.
Bien. Maintenant, discutons simplement.
Herita se mit alors à rétrécir pour retrouver la taille qu’il avait lorsqu’il était venu au Demon’s Empire. Pas fou, Nashar continua à le maîtriser, en appuyant une des puissantes mains d’un des Golems sur son dos. À la moindre résistance, il serait écrabouillé. Geleerde arriva alors à ce moment.
J’imagine que Shira vous a raconté les grandes lignes. Je me suis fait avoir par des personnes sans coeur et je me suis trop sali les mains pour que cela soit exposé au grand jour.
Baissant la tête au sol, l’oiseau continua :
J’ai peur pour ma vie, mais aussi et surtout pour celle de mon clan et de mes protégés. Le Syrf Kala paraît idéal vu de l’extérieur, mais il est rempli de personnes assoiffées de pouvoir et de territoire. Si mon image se ternit… Si le leader droit et implacable que j’incarne vient à s’éteindre au profit d’un aliéné névrosé par ses fautes… Alors toutes ces bêtes assoiffées de pouvoir et de territoire auront une raison de s’en prendre aux miens, jusqu’à m’avoir.
Sans colère ni tristesse, Herita ne laissait transparaître qu’une légère motivation à aller contre sa situation actuelle.
Si vous n’êtes pas des ennemis, que grand bien vous fasse. Mais si vous connaissez mes secrets, je ne peux pas me permettre de vous laisser en vie. Tuez-moi maintenant, car je n’arrêterai pas de vous traquer. Les vies de mes subordonnées sont en jeu.
Un roi voulant véritablement protéger son royaume ? Nashar en avait croisé certains. Ce n’était ce genre de personne qui était prêt à tout, sauf se soumettre, pour assurer la sécurité de ce qu’ils considéraient comme important. Mais au final, leurs déterminations ne leur apportaient rien. Leurs royaumes n’étaient que terre, recouverte des cendres de leurs ancêtres et des larmes des victimes de leurs obstinations.
Le bleuté se tourna alors vers Geleerde, afin de recueillir son avis sur la situation :
וואָס טאָן איר טראַכטן פּערסנאַלי, איך טראַכטן מיר קענען באַקומען מער און מער פון שיראַ. בעסער צו ענדיקן עס רעכט אַוועק.