L’Empereur, mauvais perdant ? Il fut un temps, à Valice, où le simple fait d’émettre cette hypothèse équivalait à sauter sous une voiture tractée par quatre puissants étalons. On n’en mourrait pas forcément, mais il était impossible de s’en sortir sain et sauf. La Police de l’Empire ne rigolait pas avec les crimes envers Sa Majesté. Si l’infraction était très courante au début de son règne, elle l’était beaucoup moins sur la fin, tant les générations sous l’égide de Nashar s’étaient enchainées. Sa politique de répression aidait aussi.
Toujours perché dans son ciel, Nashar rechignait à admettre la défaite de son colosse de glace. C’était le premier à se faire détruire aussi rapidement par un non-immortel ; même les plus puissants mages de Valice - bien qu’infiniment plus faible qu’un Val’Ka - mettaient plusieurs dizaines de minutes pour y arriver. Peut-être était-ce dû à l’adhérence au sol ? Ou ce Val’Ka était-il sans doute un génie de la tactique, avec un QI très supérieur à la basse moyenne de la planète ?
Alors que Nashar était occupé à excuser son colosse, un autre objet fendit l’air non loin de lui, suivi par un autre qui le manqua de peu. Les yeux méprisants de Nashar se baissèrent vers un troupeau de boeufs lui lançant leurs jouets. Ces imbéciles pensaient réellement qu’il allait perdre son temps avec eux ? Non, il avait mieux à faire. Ils n’auraient qu’à faire face à son colosse… Qui se faisait en ce moment même démolir une seconde fois. C’en était trop : Meteor Time. Nashar concentra une immense quantité de glace au-dessus de lui qu’il allait jeter à une vitesse prodigieuse sur ses adversaires, quitte à blesser ses alliés. Fort heureusement pour eux, il ne put mettre son plan à exécution : un nouvel adversaire voulait le trancher en deux.
Ayant à peine le temps de se cacher derrière le météore de glace qu’il avait voulu envoyer au sol, Nashar put très rapidement s’apercevoir qu’il était passé à deux doigts de la division. Littéralement, cette fois. Ce Val’Ka n’était pas là pour plaisanter - comme le reste de sa race -, il fallait s’en débarrasser le plus rapidement possible. L’Empereur profita d’être caché par le bloc de glace encore en train de se faire découper pour en faire le tour et pour l’attaquer par le flanc. En effet, il avait un avantage que l’autre ne semblait pas avoir : il pouvait virevolter librement dans l’air. Il en profita donc pour courber immédiatement vers ses côtes où il y enfonça une pique de glace avant de s’éloigner plus haut dans le ciel.
Espèce de… Ne crois pas en avoir fini avec moi !
Le Val’Ka retira l’arme gelée de son corps et, faisant fi de la rivière de sang sortant de sa plaie, il croisa de nouveau ses lames pour créer une multitude goutte d’eau autour de lui. Aucune d’elle n’était affectée par le blizzard encore maintenu par Nashar. Plus étrangement encore, aucune d’elle ne gelait, malgré la température.
Sois vengé ! Baj’Myor !
À peine les gouttes s’étaient mises à se mouvoir vers lui à haute vitesse que l’Empereur compris l’attaque. Et pour cause, il usait du même stratagème avec ses piques de glace : envoyer le maximum de munition à très haute vitesse. Il estima d’ailleurs que les projectiles adverses pourraient lui traverser le corps de part en part à leur vélocité actuelle. N’étant pas spécialement fan des passoires, le bleuté piqua rapidement vers le bas, évitant par la même d’autres lances des Val’Ka cloué au sol. Ces barbares allaient poser problème.
Profitant du fait que les morceaux du météore de glace découpé pour son nouvel adversaire touchent le sol, Nashar créa deux colosses de glace à partir des débris, qui avait pour mission de distraire les forces terriennes. Il reporta alors son attention sur le challenger contrôlant l’eau. Il semblait d’ailleurs la manipuler pour rester dans les airs : en se créant des flaques d’eau qu’il faisait flotter sous les pieds, il pouvait s’y tenir sans tomber.
Crève !
Lança le Val’Ka en croisant ses lames. Cette fois, ce fut un gigantesque torrent d’eau qui en sortit pour se précipiter droit vers le bleuté. Ce dernier, ayant déjà observé que cette eau ne semblait pas pouvoir se congeler, voulut esquiver en s’élevant, mais fut surpris quand le flux de l’eau le suivit et l’attrapa. Très vite, il fut piégé au centre dans une bulle d’eau. Plusieurs courants vigoureux l’empêchaient de s’en échapper. En vérité, ils menaçaient même de lui briser les membres, tant ils étaient intenses.
Un lâche comme toi ne mérite pas une mort honorable. Je n’offense que les brindilles en te tuant de la sorte.
Encore les brindilles ? Il était évident que Nashar devait sortir de là, mais comment pouvait-il s’y prendre ? Il obtint la solution grâce à une observation : Le Val’Ka gardait son arme croisée, comme s’il maintenait le cocon d’eau autour de Nashar de la sorte. Y voyant là une échappatoire, le bleuté profita de toujours contrôler la météo pour maximiser les bourrasques et pour les rediriger au possible vers son adversaire. Le but était de lui faire décoller ses lames, ce qu’il parvint à faire au bout d’une dizaine de secondes. L’Empereur vit alors une nette diminution de la force de l’eau et en profita pour se lancer hors de la prison aqueuse. Hélas, ce répit ne dura qu’un certain temps : Tzar’Kan remit ses armes l’une contre l’autre, ce qui réactiva les torrents d’eau. Tout se joua en une fraction de seconde : se faisant rattraper par les courants, Nashar put sortir, au prix de sa jambe.
Elle ne fut pas arrachée, mais apparemment, les courants les plus extérieurs étaient les plus puissants, assez pour lui briser les os de la jambe gauche, du genou jusqu’aux orteils. Le bleuté ne cria pas. Ce n’était pas le moment. Il mit le plus de distance possible entre son adversaire, la prison aqueuse et lui. Comment avait-il pu se faire avoir par une attaque aussi basique ? Calme extérieurement même s’il bouillonnait de l’intérieur, Nashar proposa alors, en terme qu’il pensait - sincèrement - compréhensible par le Val’Ka.
Écoute, moi défendre les miens. Si toi pas content, moi peut proposer viande ou tissu.
Chien !
La réaction adverse fut sans appel. Le Val’Ka colla les gardes de ses armes pour former une lance à deux lames. Totalement vissé l’une à l’autre, ce simple placement lui conférait maintenant le contrôle total sur l’élément aqueux. Contrôle qu’il mit à exécution en faisant tournoyer sa nouvelle arme, d’où naquirent quatre torrents bien plus gros que le premier. Mais Nashar, bien qu’un peu inquiet, n’était pas resté sans rien faire. S’il avait adressé la parole à cet adversaire décérébré, c’était pour détourner son attention des petits flocons de neige émanant de sa personne depuis qu'il s'était éloigné et qui se mêlait à ceux du blizzard. Mais ils ne suivaient pas la trajectoire du vent, loin de là. Ils avançaient, doucement, mais surement vers Tzar’Kan qui finit par en respirer.
À partir de là, Nashar fut certain d’avoir triomphé. Son corps se détendit et un sourire narquois se dessina sur son visage. Sourire immédiatement perçu pour une autre provocation par le Val’Ka qui s’essaya à l’attaquer. C’est alors qu’il le sentit : la paralysie naissante dans son corps, le froid au plus profond de son corps qui se répandait, l’interruption de ses torrents d’eau. La douce mort, comme l’appelaient les lèches culs de l’Empereur.
Des lâches, tu es le roi…
Je suis un Empereur, celui de toute chose. Si tu traites mes sujets de lâche, tu t’insultes toi-même.
… !
Face à cette énième provocation, le sang de Tzar’Kan ne fit qu’un tour. Usant de toutes ses forces pour bouger malgré la congélation de son corps, il parvint à lancer sa lance, d’une manière bien singulière. Au lieu de l’éjecter tête la première, il la fit tournoyer, à la manière d’un couteau de lancer ou d’un shuriken. Plus risible encore, il manqua totalement sa cible : l’arme passa la droite de Nashar de cinq bons mètres.
J’espère que tu ne pisses pas avec la même adres-
Une vive douleur s’empara alors du bras gauche de Nashar… Au plutôt de l’endroit où se trouvait son bras avant. L’arme, guidée par Tzar’Kan, avait effectué un demi-tour en chemin et le lui avait tranché net. Fier, le guerrier laissa son corps se faire happer par la glace, gravant alors un sourire à la fois moqueur et satisfait sur son cadavre gelé qui commençait à chuter.
Inutile de dire que Nashar fut particulièrement…
Agacé.
Pour la première fois depuis le début de la mission, il revint au sol, au milieu des alliés de Tzar’Kan qui venaient d’en finir avec ses colosses...