Blue and Red equal Black

Naïcel marchait bras dessus bras dessous avec l’Agent Solarkien. De loin, on aurait pu penser qu’il s’agissait d’un jeune couple de bourgeois, qui ont été mariés par obligation. Car malgré les vêtements de luxe que reflétaient les HOPEWear et l’incarnation de l’époux soucieux de son animal par D. Brando, le visage de la rouge ne s’intégrait pas à cette scène. Véritable orage silencieux, son expression pouvait mener la mission au naufrage si les mécréants en face avaient le sens de l’observation. Même si rien ne transparaissait physiquement, la rouge ne se gênait pas pour laisser cours à ses pulsions sanglantes. Elle n’avait aucune envie de se retenir, pas maintenant. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, c'était pour le bien de la mission ; si elle voulait ne pas sauter à la gorge du premier venu, elle devait évacuer sa colère du mieux qu’elle pouvait.

L’envie de disparaitre dans le Néant se faisait forte. Naïcel se surprit même à vouloir que Nyris soit présent en ces lieux dangereux, afin de reformer Nashar et de pouvoir se reposer un peu dans l'Oubli. Mais le rouge n’était pas là, pas plus que le bleu ne risquait de débarquer ce soir. Elle serra le poing, essayant de se recentrer sur la mission. Diverses pensées et insultes brouillaient son esprit. Ayant toute pour cible Geleerde, elles n’étaient cependant pas très critiques. Elle se sentait juste comme un gamin qui venait d’apprendre qu’il irait chez l’apothicaire au lieu de la foire, alors qu'un parent peu scrupuleux le lui avait promis. Cela passerait. Mais pas sans une mise au point. Le problème était maintenant que les deux femmes communiquaient aussi bien que Favaro chantait.

D. Brando joua discrètement du coude, pour signaler à ses deux complices de leur arriver. Lorsqu’il fit cela, Naïcel se rendit compte que, même si la louve était sous forme canine, l’Agent la serrait contre lui. Si normalement elle aurait agi comme tout bon Empereur en lui coupant les bras, elle n’en fit rien. Déjà parce que sa dette risquait d’augmenter, mais aussi parce que cela lui était égal. Qu’elle aille se faire prendre dans les bras de tout les corbeaux de HOPE si elle le voulait, c’était bien son genre. Mais malgré cette conclusion, la moitié de Nashar ne put s’empêcher, à partir de ce moment, de jeter de rapide coup d’oeil sur son collègue borgne, pour être certaine qu’il ne profite pas de la situation. Quoique du coup, cela ferait de lui quelqu’un de très bizarre.

L’équipe improvisée s’arrêta en bas de ce qui semblait être un hôtel d'au moins dix étages. Cependant, il n’y était fait aucune mention de commerce. Le Solarkien apprit au groupe qu’il s’agissait d’un immeuble privé, que s’échangeaient plusieurs milliardaires, histoire d’échapper aux taxes lorsque celles-ci commençaient à devenir trop importante. La magouille leur permettait de payer moins, et ils avaient toujours accès à leurs appartements. Loin d’être illégale, D. Brando informa même que la pratique était courante dans les quartiers d’Idandrin. Décidément, les Solarkiens étonneraient toujours Naïcel, bien qu’elle n’en avait elle-même rencontré aucun. Leur sens de la radinerie était plus qu’honorable et étrangement très similaire au sien.

L’Agent mâle alla sonner à l’interphone. Un vent frais marqua l’attente de réponse. La rouge en profita pour scanner la propriété avec ses sens magiques. Aucun résultat, les murs ne la laissaient pas passer ; surement une protection d’Akers. Ce n’était pas rassurant. Soupirant, elle regarda les environs. Au loin, elle apercevait un immeuble familier. Présent dans une mémoire qui n’était pas la sienne, le bâtiment avait été le théâtre de bien des soirées, avec Favaro et Geleerde. Ce genre de souvenir rappelait à la rouge qu’elle n’avait pas d’existence propre. Ce n’était pas elle qui avait escaladé la façade de l’immeuble avec dix bières ni elle qui avait pu profiter de la tombée de la nuit là haut. Ce n’était pas elle qui avait pu échanger, par de longues tirades, sur les précédentes missions effectuées, comme si elle présentait un monde à son interlocutrice. Ce n’était pas elle qui y avait...






Une autre légère brise vint de nouveau masquer l’attente, qui ne dura pas longtemps cette fois. Un bruit strident précéda l’ouverture des portes, donnant immédiatement sur un ascenseur. Pas de bouton pour sélectionner l’étage ; l’endroit semblait plus que louche. Le groupe entra et vit la machine se fermer. La rouge ne ressentit aucune sensation de mouvement, pourtant, lorsque les portes s’ouvrirent, ils se trouvaient à un étage totalement différent. Naïcel en profita pour sonder le bâtiment, comme elle l’avait déjà fait plutôt. C’était plus simple cette fois, mais pas moins inquiétant. Si elle détectait du monde un peu partout dans les différents étages, elle détectait aussi de grandes zones imperméables à ses sens. Impossible de savoir ce qu’elles contenaient.

D. Brando ouvrit la marche. Se voulant décontracté, l’Agent gardait tout de même une posture propre aux combattants. Bizarrement, cela lui correspondait bien et ne brisait en rien l'incarnation de son personnage. De son côté, Naïcel arborait toujours la même expression froide et distante. Le Solarkien tenta bien de distraire son attention, mais il aurait mieux fait d’investir dans une éolienne, à cause des vents qu’il s’était pris. L’équipe arpenta donc un couloir, dans un silence mémorable. Chic et bien éclairé, l’ambiance semblait y être chaleureuse, mais sans vie. Diverses portes fermées, pour certaines impénétrables aux dons de la mage, jonchèrent le parcours, jusqu’à un appartement grand ouvert.

Le Solarkien s’arrêta peu avant, puis se libéra de l’étreinte – trèèèès serrééééée – de la rouge. Une expression bête apparut sur son visage lorsqu’il croisa son regard. Il avait l’air de la questionner sur l’appartement. On aurait presque dit qu’il lui demandait « C’est ici tu crois ? ». Était-il vraiment idiot ? Même lui, qui ne pouvait pas détecter la chaleur corporelle de l’homme s’y trouvant, devait bien se douter que le seul appartement ouvert devait être le bon. Mais les soudains gémissements de Geleerde rappelèrent à la rouge qu’ils avaient un rôle à jouer. L’endroit devait sans doute grouiller de caméra, et il était très probable qu’ils soient observés en ce moment même. Fidèle à l’expression qu’elle arborait depuis le départ, elle hocha simplement de la tête, ce qui suffit au comédien pour se placer sur le pas de la porte.





Ce fut la même voix que celle de l’interphone ; mais celle-ci était beaucoup plus joviale. Lorsque son son vint aux oreilles de la rouge, une douce odeur vint enchanter son nez. Des bruits de friture et d’eaux bouillantes se firent ensuite plus insistant, signe que la personne présente faisait la cuisine. Le faux couple entra. Comme prévu, il n’y avait qu’un homme, en train de cuisiner dans le fond de la pièce. Il était louche, et c’était un euphémisme. En plus de son apparence atypique, NaÏcel put remarquer qu’il n’émettait que très peu de chaleur corporelle, pour un total avoisinant les vingt degrés. Peu de mammifères de cette taille pouvaient survivre avec une telle température.



Bloquant une cigarette inodorante entre ses dents, il offrit un sourire des plus chaleureux à ses clients.



Il lâcha immédiatement la poêle qu’il allait bouger pour se précipiter vers la fausse malade. En retrait prêt à la porte, Naïcel observa la scène, décidant de laisser ses deux compagnons gérer la situation pour le moment. Elle était toutefois prête à plaquer la tête de l’homme sur sa plaque chauffante, en cas de pépin, grâce à son aérokinésie.

Naïcel scrutait la scène, prête à intervenir à tout instant. Étant mage, elle était habituée à être en retrait par rapport à l’action. Ainsi, elle avait une vue d’ensemble – ou du moins une vue plus large que ses compagnons – sur la situation. Elle écouta l'échange, impassible. L’ivresse du pari et de l’argent commençait à s’estomper, si bien qu’elle espérait que le vétérinaire commette rapidement un faux pas. Il n’en fut rien. Le mécréant se comportait de manière quasi irréprochable, aux yeux de la rouge. Seul détail dérangeant, sa fâcheuse manie de se gratter la cicatrice. Naïcel jura avoir vu de la croute perler disgracieusement lorsque son ongle vint s’y frotter. Plissant les yeux de dégout, elle fut néanmoins réconfortée en voyant que Geleerde passait un aussi bon moment qu’elle.

Il fallait l’avouer, voir la louve se faire examiner de la sorte adoucissait un peu l’humeur de la moitié de Nashar. La fière et vaillante indomptable, qui préférait brouter ses herbes plutôt que les traitements des apothicaires, se faisaient en ce moment même palper par un guérisseur pour animaux. Un léger sourire moqueur vint se dessiner sur le visage de la belle, mais il ne dura pas bien longtemps. Bon, la tentative de toucher rectale le raviva, mais il repartit aussitôt. Ce n’était pas ça qui allait l’apaiser.

***

D Brando et Naïcel sortirent du bâtiment. Jevast avait été très impatient, en les faisant quitter les lieux de la sorte. Bien que l’idée d’être loin de sa croustillante cicatrice ne fût pas déplaisante, la rouge n’avait d’autre choix que de le pister. C’était simple à présent, elle avait pu sentir sa chaleur, il ne restait plus qu’à suivre ses moindres faits et gestes. Et puis de toute façon, il serait toujours possible de détecter Geleerde, grâce à son équipement de HOPE. La traque était l’aspect le plus simple du plan, mais elle fut surement la plus ennuyante. Déjà, il fallait attendre que le vétérinaire sorte de l’immeuble, puis il fallait le coller à chaque détour, tout en restant le plus discret possible.

Le fou n’était sot, il utilisait plusieurs voies peu fréquentées et ne lésinait pas sur les changements brusques de direction. Une chance que l’Agent Solarkien avait prédit ce comportement. Il avait donc ordonné à ce que Naïcel suit Jevast depuis les airs, pendant que lui serait au sol. Ainsi, elle put lui indiquer la position exacte du fourgon, bien plus rapidement que n’importe quels outils de détection. La promenade renseigna tout de même sur un trait du vétérinaire : il était prudent.

La fourgonnette finit par s’arrêter devant le mur d’un bâtiment. L’allée était sombre, et les phares éteints du véhicule n’aidaient pas à distinguer ce qui se passait. Cela valait bien sûr pour les simples mortels. Naïcel voyait parfaitement. Enfin, elle ressentait les différentes températures de la zone, en faisant preuve d’une précision satellitaire. Apparemment, le vétérinaire manipulait un objet. Il avait l’air d’y taper du pouce. Quand ses mouvements furent terminés, le mur en face de lui disparut. Ce n’était pas une technologie de camouflage, mais une technologie de manipulation de la matière. Un bout du mur, assez haut et large pour que le fourgon s'y engouffre aussitôt, venait de se désagréger et de se reconstruire derrière le véhicule. La belle tiqua de déplaisir. Comme pour l’appartement de Jevast, elle ne détectait rien derrière les parois du bâtiment.

D. Brando tira sur le cou du Ramu pour lui casser la nuque. Ce dernier ne se laissa pas faire et projeta l’Agent d’un féroce coup de tête . Le Solarkien alla violemment se plaquer contre un mur, avant de se relever avec beaucoup de peine.





Naïcel créa une multitude de piques de glace qui allèrent se loger dans les corps des Monking en face d’elle.



Le Ramu chargea aussitôt que D. Brando eut terminé sa phrase. Usant de la force de ses implants cybernétique, l’Agent pris fermement appuie au sol à l’aide de ses pieds et posa ses mains en tant que rempart contre la tête de l’animal. S’il en avait déjà mangé à Solari, jamais il n’avait eu à en croiser un vivant. C’était bien sa veine que sa première rencontre avec un natif de son monde depuis bien des mois se déroule ainsi. Néanmoins, il ne fit pas plus de sentiment lorsqu’il tira un rayon perçant du bout de son laser à son poignet. La bête s’effondra, terrasser par la blessure mortelle qu'il avait maintenant dans le crâne.



Soupira-t-il en se retournant et en cherchant son paquet de cigarettes dans sa poche.



Cria-t-il en voyant Naïcel aux prises avec deux Monking, des singes géants de Val. Il lâcha l’instrument de réconfort qu’il venait enfin de trouver pour se précipiter à son aide. Naïcel en avait déjà tué un en le criblant de glace, mais il lui avait fallu rester un bon moment à la merci de ses assaillants. Certes, elle les avait distraites avec quelques tours, ce qui lui avait permis d’emmagasiner assez d’énergie pour lancer son attaque, mais maintenant que les macaques avaient compris, rien ne marchait.

Fort heureusement, D. Brando arriva en hurlant, ce qui donna à la rouge le temps qui lui manquait. Elle fit appel aux forces de la nature, plus précisément celles de l’air, pour enlever tout l’oxygène autour des gueules des Monking. Asphyxiés, ils n’arrêtaient pas de se débattre, rendant le maintien du stratagème extrêmement compliqué. Voyant cela, le Solarkin réagit au quart de tour et tira de son laser perçant dans le coeur de l’une des bêtes. Quant au dernier, il finit par s’évanouir à son tour, juste après. Naïcel s’approcha de lui pour lui trancher la gorge.



Comme si elle se punissait de faire quelques choses qu’elle ne voulait pas faire, elle regarda le Monking se vider de son sang et de ses fluides un petit moment, avant que D. Brando ne la ramène à la réalité.



Cigarette vissée au bec, il se l’alluma en remettant la suite des opérations à Naïcel. Cette dernière ferma les yeux pour se concentrer. Une brise froide émana d’elle, éteignant le bâton nocif du Solarkien. Elle ne pouvait pas détecter la chaleur des êtres vivants ni leur énergie entre ces murs. Qu’à cela ne tienne, elle se servit de son don d’aerokinésie comme d’un sonar. L’air s'infiltra partout, lui donnant ainsi une carte très détaillée des lieux et des personnes s’y trouvant.



Sans attendre, Naïcel se précipita vers l’endroit où se trouvait Geleerde. Elle arpenta un long couloir, avant de commencer à entendre un bruit de détonation, rapidement suivi de plaintes de la louve. Son chemin l’amena finalement dans un grand hangar, où plusieurs grands objets de forme cubique étaient voilés par des draps blancs. Néanmoins, les cris s’y échappant laisser à penser qu’il s’agissait de cage... Enfermant des animaux ! La rouge n’eut toutefois pas le temps de se réjouir d’avoir validé un des objectifs de la mission qu’elle put apercevoir une tourelle de défense mitrailler un chariot d’élévation. La respiration de Geleerde était perceptible derrière celui-ci. Naïcel prépara une charge givrante de sa main, mais un bruit retint son attention. Jevast ! Marchant, de manière calme, le long d’un escalier menant à la plateforme supérieur, il ne faisait nul doute qu’il allait tenter de s’échapper par la fenêtre !



Ordonna-t-elle à Brando qui venait d’arriver, essoufflé. La belle changea de cible et tira son rayon givrant en direction du fuyard. Ce dernier accéléra le pas, bien qu’il ne courrait toujours pas. Résultat, il se fit geler la partie basse de son corps. Même s’il n’avait pas l’air de s’en inquiéter, la rouge bondit vers lui, se préparant à le mettre hors d’état de nuire.

Son aerokinésie activé, elle fonça droit vers sa cible, qui pourtant semblait confiante. Jevast avait encore bien des tours en réserve. La moitié féminine de Nashar ne s’attendait pas à ce que le vétérinaire s’arrache subitement la peau de son abdomen. Pas sa blouse de scientifique, ni le vêtement qu’il avait en dessous, mais bien la peau de son abdomen, qui ne tenait vraisemblablement que grâce à des points de suture. S’attendant à voir les entrailles du scientifique, NaÏcel n’en fut que plus choqué en voyant à la place un fond noir béant, qui se mit immédiatement à crépiter. Des mouvements au départ imperceptibles furent bientôt légion et des yeux d’un pourpre assassin commençaient à y luire. Le dégoût et la peur de l’inconnu eurent pour effet de ralentir l’arrivée de la belle.



Immédiatement, les milliers de mouvements dans l’abdomen de Jevast grouillèrent dans des milliers de cris stridents. Très vite, une masse noire, difforme et incontrôlable s’échappa de la prison de chair en une énorme marée. D’abord opaque, ce ne fut que lorsqu’elle fut à quelques mètres de la belle qu’elle pût les identifier : des chauves-souris. Ou en tout cas leurs équivalents dans l’un des mondes visités par HOPE. Minuscules, elles émettaient un son extrêmement aigu qui paralysa Naïcel, au point de ne pas pouvoir les repousser avec sa magie. Elles se ruèrent toutes sur la rouge, lacérant sa peau de rêve par la même occasion.

Jevast referma rapidement son abdomen, avant de commencer à déglutir. Ce qu’il faisait était indescriptible. Pendant que la belle tombait à cause du manque de magie et des éraflures des chauves-souris, on aurait dit qu'il produisait et stockait une quantité incroyable de salive. Bientôt, ses yeux commencèrent à se révulser et sa peau devint encore plus pâle qu’avant. Naïcel heurta lourdement le sol, pendant que les chauves-souris se dispersèrent dans le hangar. L'effet de leurs cris commença petit à petit à s’estomper, si bien qu’elle put voir l’effroyable spectacle. Jevast muait pour se sortir du piège de glace.

La rouge fermait ses yeux. Elle avait beau être puissante et mentalement stable, Naïcel n’était pas faite pour le combat. L’imprévue, le challenge, les rapports de force. Ce n’était pas qu’elle ne comprenait pas tout cela, mais elle n’avait pas l’habitude de les côtoyer. Pour le peu qu’elle avait vécu dans le monde du réel, elle avait quasiment toujours eu ce qu’elle voulait. Les rares fois où la vie la malmenait, c’était quand Geleerde était dans les parages... Ou durant des affrontements. Mais la belle n’en avait pas honte, elle se considérait avant tout comme une artiste, adepte d’écriture, de peinture et de musique. Elle s’adonnait gaiement à ses loisirs, entre deux surveillances de son frère. L’opportunité de détruire un adversaire par sa seule force était certes alléchante, mais ce n’était pas son but primaire dans la vie. Non, ce qu’elle voulait elle, c’était la célébrité. Exister hors de l’ombre de N-...

**Schwriiiiiiiiiing**

Un bruit d’acier ramena Naïcel à la réalité. Les chauves-souris l’avaient surprise, et la chute en résultant l’avait sonné. L’effet des cris des bestioles se dissipait lentement, lui permettant de localiser la source du raffut : D. Brand et Geleerde, se libérant du joug du ventilateur infernal. Parfait, ils allaient pouvoir attraper Jevast à sa pl-... Non ! Le pari !

Ravivée par la pensée du gain d’argent à la clé de la mission, l’envie de battre Geleerde resurgit. Bon sang ! La rouge s’était suffisamment fait humilier pour ce soir ! Elle ne tolérerait plus un seul échec ! Ramenant ses forces à elle, elle fit en sorte que ses muscles recommencent à lui obéir. Elle se leva, non sans mal, pour rassembler sa magie autour d’elle. Bon point : ses facultés de mage n’avaient pas été affectées par les chauves-souris. Profitant de cela, elle utilisa son aérokinésie pour décoller droit vers la louve qui... Laissait Jevast filer ?

À ce moment précis, Naïcel eut deux choix : attraper Jevast ou aller voir ce qui arrivait à Geleerde. Et même si, une fois la scène passée, elle est évident qu’elle avait ces options, la rouge jure et jurera toujours que le scientifique était hors de sa portée, et qu’elle avait cru voir Geleerde grièvement blessé. Se justifiant de cette raison, la belle accourue vers la bête, posa sa main sur sa joue pour entrainer son retour parmi les conscients.



S’exclama joyeusement Jevast à la fenêtre, en pressant la détente d’un dispositif qu’il tenait. Quelques secondes passèrent où la rouge put se rassurer de l’état de santé de la brune. Mais ce calme disparut dans une explosion, puis une autre, puis une autre... Puis des autres. L’air devint feu et le feu devint cendre. Une épaisse fumée montait jusqu'au toit du hangar. Aucun des appareils anti-incendie présent ne réagit, signe que les Agents faisaient les frais d’une stratégie de retraite du scientifique.  Mais ce n’était pas le plus horrible. Se mêlant au crépitement des flammes, les cris apeurés de plusieurs dizaines d’animaux retentissaient. Il fallait les sauver.

Naïcel réfléchit. Cela serait une trop grande perte de temps de faire sortir un à un toutes les bêtes de leur cage, comme le faisait D Brando en ce moment même. Elle devait faire quelque chose de plus efficace. Que ferait Nashar dans ces conditions ? Il gèlerait tout le bâtiment, causant la mort des animaux. Elle n’était pas Nashar – elle ne le serait jamais. Il posa la situation pour se concentrer sur l’essentiel. Un incendie. Non. Des flammes. Du feu. Énergie, combustible... Comburant ! L’air ! C’était l’air qui alimentait la réaction qui entrainait l’incendie ! Le même air sur lequel elle avait le contrôle !



Cria la rousse avant de s’élever au milieu du hangar. Elle invoqua les forces du vent tout autour d’elle avant de brutalement éjecter tout l’oxygène s’y trouvant par la fenêtre où était passé Jevast dans une colonne de feu et de fumée. Immédiatement après, les HOPEWatch affichèrent une alerte « Danger d’incendie dans ce secteur ».

La belle redescendit près de Geleerde, pour tomber sur elle. L’idiote n’avait pas pensé à prendre sa pilule.


******


La suite des évènements se déroula assez calmement. Les renforts arrivèrent, toute sirène hurlante. Si la fumée et le feu ne l’avaient pas fait, il était maintenant sûr que le Chirurgien qui avait rendez-vous avec Jevast ne se montrerait pas ce soir. Tss. Et ce n’était pas le pire. À son réveil et après être passé devant une infirmière, Naïcel dut participer au premier débriefing de sa vie. Un rapport de mission qui dura une éternité.

Musique

Cette soirée avait vraiment pris une tournure inattendue. Geleerde, Nyris ivre, la mission, le pari, D. Brando, Jevast, l’échec. Si HOPE allait prendre en charge les plus grosses parties des dommages, il était certain que les Agents auraient des sanctions pécuniaires. Heureusement rien de plus, ils ne faisaient que leur travail après tout. Mais ce n’était pas cela qui taraudait l’esprit de la rouge. Assise au comptoir de l’Andromeda, Naïcel ne s’inquiétait même pas du vétérinaire fou. Non, ce qui l’a gênait, c’était sa relation avec Geleerde.

Elle ne l’aimait pas. Elle le savait. Elle le sentait. Elles n’étaient pas faites pour être ensemble, aussi bien en toute amitié, ou plus. Pourtant. Pourtant la rouge n’arrivait pas à se séparer d’un chant dans sa tête. Une véritable chorale, qui annihilait toutes ses envies. Un requiem de désir, interprété par une voix qui n’avait rien à voir avec la sienne. Penseuse, elle s’égara dans un verre, puis dans un second, avant que Geleerde ne lui monte le chemin du troisième. Sans la regarder, Naïcel suivait ses pas sortir du bar. Elle ne bougea pas, fixant avec tristesse le liquide devant elle.

Une heure passa, et ce fut au tour de D. Brando de prendre congé. Le bougre était resté ici longtemps. Il devait sans doute être aussi affecté par l’échec cuisant de ce soir. Il avait, semblait-il, oublié la dette que les deux Agentes avaient envers lui. Bon point pour le porte-monnaie de Nashar, qui allait néanmoins devoir composer avec sa part dans les coûts des réparations du hangar.

Finalement, Naïcel conclut qu’elle avait assez existé pour l’instant. À l’heure où il était, Nyris avait surement dessaoulé et il accepterait volontiers de reformer Nashar, afin d’éviter la gueule de bois. La belle commanda donc un HOPEber, grâce au barman. Le chauffeur la mena aux appartements de Favaro. Elle toqua à la porte, et attendit. Légèrement vêtu, Favaro vint lui ouvrir. À peine l’avait-il eu dans son champ de vision qu’il referma la porte. Il l’a rouvert dix secondes plus tard, impeccablement habillé, parfumé et coiffé.



La rouge haussa un sourcil. Ce Favaro, ce n’était pas une flèche.





L’Akers ne put terminer sa phrase que l’Agent était déjà à l’intérieur.



Demanda-t-il avec un sourire qui se voulait charmeur. Comme le récent échange pouvait le laisser croire, Naïcel avait tapé dans l’oeil de Favaro, qui faisait des pieds et des mains pour bien se faire voir à ses yeux. Néanmoins, la belle ne l’avait absolument pas remarqué, le voyant plus comme un porte-monnaie de secours, un peu comme Nashar. C’était pour cela qu’elle l’avait toujours traité avec une certaine neutralité. Mais cette fois...



Surpris du ton engageant de la rouge, Favaro sourit en lui répondant.



Le reste de la soirée se déroula sans plus de vague, jusqu’à ce que les premières lueurs du matin ne viennent réveiller la marmotte saoule. Nashar réapparut peu de temps après cela, mais...

***

Musique

Mais chaque acte engendre des conséquences. Jouer avec la vie à son état le plus pur n’est jamais impuni. Surtout quand le geôlier abuse de sa clé et quand le bourreau refuse de laisser choir sa hache. Nul ne peut se prévaloir de propre turpitude, même en se masquant le visage de couleurs inconnues. Car Il sera toujours là, tapi au fond de sa cellule, posant toujours la même question, entrainant toujours la même réponse de son gardien le plus proche :