Prémices d'une intégration corsée

Le vaisseau qui me transportait était enfin arrivé. Il traversa le portail de téléportation de HOPE, pour finir par se garer dans un emplacement approprié dans la salle d’embarquement. D’ailleurs, cette grande et vaste salle, regroupait des centaines de vaisseaux, qui allaient et venaient, suivant un ordre qui semblait prédéfini, ou bien entretenu en arrière-plan par un gérant de vols. Quoi qu’il en soit, le moteur s’éteignit, et seule l’intelligence artificielle de la navette était encore en marche. La porte de sortie qui faisait office de pont d’évacuation, se dégagea dans un bruit fin avant de se laisser tomber dans un arc de cercle jusqu’à atteindre le niveau du sol.

Dans toute leur prestance et une élégance qui faisait certainement leur fierté, un homme et une femme descendirent l’un après l’autre du vaisseau de transport pour descendre la pente oblique qui séparait la terre artificielle avec le vaisseau qu’ils avaient utilisé. Avec un peu d’attention, on aurait pu lire un mécontentement notable sur leur visage, signe qu’ils avaient beaucoup subis au cours de la mission qui leur avait été confiée. D’ailleurs, leur mission était simple. Aller à Val, pour une durée de quelques jours pour ramener – si vraiment le besoin se faisait sentir – une nouvelle recrue pour le compte de HOPE.

Si le départ de HOPE , le séjour sur Val et le recrutement dudit Val’ka s’étaient bien passés, le voyage pour retourner à HOPE par contre, semblait avoir été un enfer. Une oreille attentive, ou bien une sensibilité particulière, aurait permis à quiconque de reconnaître un bruit tonitruant qui se faisait de plus en plus grand à l’intérieur de la navette.

Plus on se rapprochait de la boite mécanique qui contenait la nouvelle recrue, plus les grondements auraient été audibles. Cela semblait être le son d’une porte métallique, qui subissait un coup de marteau, déformant à chaque contact sa forme et modifiant donc le cri de douleur de cette partie inanimée du vaisseau.

La cause de ce raffut, n’était autre que le passager emmerdant que les deux agents avaient dû se coltiner tout au long du voyage.

Si au départ le couple d’agents voyait en l’enragé une force nouvelle pour HOPE, désormais ce n’était plus qu’une bête indomptable qui aurait été dangereuse si jamais elle était laissée en liberté.

De mon côté, je ne voyais en ces agents de HOPE, que des personnes faibles et frêles qui se cachaient derrière la mécanique de leurs grandes machines, ainsi que de la magie de leurs vêtements pour gagner en force. Ne pouvant donc accréditer leur supériorité, j’avais décidé, pour un souci de fierté, de briser cette porte métallique qui me retenait prisonnier. Comme une masse puissante et divine qui s’abattait sur le sol terrestre pour renverser les montagnes, mon épaule suivit de mon corps impactant violemment les portes superposées qui me gardaient dans une salle close. D’ailleurs, tous les coups que j’avais donnés jusqu’ici, avaient déformé une grande partie des couches solides qui constituaient la résistance.

Les deux jeunes personnes situées à l’extérieur, regardaient le vaisseau – source du bruit agaçant –, blasé par le manque de raisonnement dont faisait preuve le barbare qui y était.

- Que fait-t-on de lui ? Demanda la femme avec exaspération.

Le jeune homme se retourna encore pour faire face à la navette, avant d’entendre les craquements supplémentaires de la porte en acier.

- J’aurais proposé qu’on le jette dans le vide intersidéral. Je ne pense pas qu’il manquera à qui que ce soit.

- C’est bien vrai mais pour le rapport ? S’inquiéta la jeune femme. On dira qu’on a jeté une recrue potentielle sur un jugement totalement intuitif ? On n’a pas les compétences pour véritablement analyser la situation…

- Du calme Anna, cette mission est basée entièrement sur notre seule capacité de jugement. Et si on demande les explications de notre réaction, on leur montrera les portes détruites que cet idiot a brisées en venant ici…

-Hmm…. Bouda-t-elle un instant. C’était une décision étrange, que de sortir une personne de sa planète, pour l’abattre à la fin du voyage.

- Ne t’inquiète pas… il était condamné à mort de toute façon. Si cela est trop lourd pour toi, laisse-moi m’en occuper.

À l’exacte fin de cette phrase, la porte qui me retenait, céda. Et bien évidemment, la poitrine lourde, et le corps complètement essoufflé par l’effort fourni, je m’avançai doucement vers la sortie. que j'approchais pour la première fois

Une fois sur le pas de la porte, le décor fut incroyablement grand. Les métaux volaient ci et là, se déplaçaient dans tous les sens à répétition. Et de ces métaux volants, des personnes étranges en sortaient pour s’en aller je ne sais où. Nul doute que j’étais arrivé à HOPE.

Le visuel était agréable dans l’ensemble ce qui eut le privilège de me détendre quelques secondes. Mais au moment où mon regard s’abaissa pour voir l’homme et la femme qui étaient en bas, ma rage revint au galop, comme si elle n’était jamais vraiment partie.

- VOUS !!! Je vous ai bien dit que votre mécanique ne pourrait pas me garder prisonnier. Votre lâcheté est bien le signe de votre incompétence.

- Surveille ton langage barbare… Ou bien la dernière leçon que tu as eue ne t’a pas suffi.

Un hoquet d’indignation me fit reculer légèrement la tête. Il avait raison, par deux fois j’ai essayé de l’affronter, et par deux fois j’avais lamentablement échoué. Mais cela ne signifiait pas qu’une troisième fois était de trop. Il allait comprendre que ma force grandissait proportionnellement à mon acharnement.

-Tu dois être bien confiant derrière ton vêtement magique. Tu n’as aucune fierté pour combattre un homme sans armes.

- Je n’en ai cure de tes insinuations. Je vais te traîner et te jeter dans le vide. Ainsi, tu mourras en quelques secondes.

Sans en attendre davantage, je me jetai la tête la première sur mon adversaire, serrant mes poings avec une force notable. Cette fois-ci, les cieux seraient de mon côté, les grands esprits Vals allaient être mon armure et ma rage serait mon arme. Le combat allait être une victoire pour moi, le Drag’far enragé.... ou pas.

L’incertitude d’une victoire prochaine, un adversaire autant puissant que mystérieux, ainsi même que les enjeux réels d’un affrontement… Cela ne redessinait que trop bien la poussière légère des colisées dans lesquels j’avais passé une partie de mon existence sur ma terre mère. Dans ce monde où la force est louée, les muscles et l’instinct faisaient vivre, et le goût de son sang dû aux chocs répétés des phalanges ennemis sur nos visages, faisaient palpiter les cœurs. Si seulement mon adversaire était moins lâche… Si seulement il était plus courageux, alors j’aurais pu prendre une étincelle de plaisir, dans le combat qui allait suivre. Mais au lieu de ça, rien. Le métal du vaisseau où nous étions, remplissait la poussière du colisée. Les chants et cris des guerriers dans les gradins, s’étaient changés en un regard muet de l’équipière de mon adversaire.

Il était clair, que dans ce monde, je n’étais pas à ma place. Mais par les cieux, je n’allais pas mourir sans montrer à cet agent, que la force franche qui puise sa force dans l’âme valeureuse des combattants, ne saurait être vaincue par une technologie vide et creuse. Cela était beaucoup trop simple, pour que même la nature l’accepte.

Les cheveux aussi hérissés que les poils qui recouvraient la partie supérieure de mes bras, le premier impact résonna comme un tonnerre lointain, projetant de quelques centimètres mon adversaire du jour. Ce coup de poing chargé de ma déception, m’avait demandé bien des efforts certes, mais semblait avoir porté ses fruits. J’avais fait bouger l’agent, même si ce n’était pas suffisant pour lui infliger une douleur notable. Comprenant doucement que l’acharnement était la clé qui m’aurait permis de mettre le frêle et puissant adversaire à genoux, je relançai l’attaque une fois encore, après une enjambée qui me rapprocha rapidement de lui. Il n’eut que le temps de relever la tête, que j’étais déjà en face de lui, mon visage si proche du sien, mais mon poing profitant du déplacement pour prendre un élan puissant.

- GYAAARHHGG !!!!!!

Le poing s’en allait encore, quand soudainement, d’une technique de combat qui m’était inconnue, j’avais été violemment jeté sur le vaisseau, ce qui valut le trophée d’avoir endommagé une partie visible et utile de la coque. La technique de combat avait réagi comme un serpent. La force de l’élan qui m’avait projeté, avait été totalement prise dans la puissance du coup que j’avais envoyé. Mon corps lui-même, ressenti les effets néfastes. Si la force du coup m’avait enfoncé profondément dans la coque au point où je ne pouvais m’y soustraire facilement, j’avais également de la peine à distinguer ce qui était sous mes yeux. Tout semblait être en double, tournoyant de circulairement sous mes yeux. Nul doute que j’étais encore étourdi par l’impact.

Ma main alla donc rejoindre mon visage, alors même que je m’arrachai de cette sorte de prison métallique dans laquelle j’étais encore enfermé. Balbutiant légèrement, il me fallut quelques secondes pour reprendre le contrôle de mon esprit. Mais pendant ces quelques secondes là, la voix de mon interlocuteur se fit entendre.

- Qui y a-t-il ? Ton pauvre petit esprit n’arrive pas à voir clair ? C’est normal, il n’accepte pas le fait que tu vas bientôt mourir.

- Si je dois m’éteindre, je t’emporterais avec moi dans mon tombeau… lâche… le coupais-je directement dans son élan.

Mon esprit retrouvé, je m’apprêtais à repartir sur le champ de bataille. Affronter un ennemi qui ne méritait en rien sa notoriété, autant sur le plan de la puissance que sur celui de son statut, semblait être pour moi une mission divine que j’étais le seul à accomplir. La nature n’avait-elle pas appris que c’était au plus fort de diriger la troupe ? Mes paupières se rapprochèrent légèrement, annonçant une série d’attaques mortelles, dont la seule victime allait être, sans aucun doute le misérable. De son côté aussi, il avait déjà le doigt relevé, pour tenter d’appuyer sur une touche, si le besoin se faisait sentir.

À l’image de deux cow-boys dans le far West, à l’instar de deux forces puissantes, qui ne partageaient pas la même culture, nous allions mettre un point final sur cette querelle qui naquit il y avait cinq heures de cela.

Mais alors que ma concentration était à son comble, et que mon attention était rivée sur les faits et gestes de mon adversaire, une voix non-lointaine s’éleva essayant certainement de signifier son existence. Si le regard de l’Agent de HOPE semblait assez intrigué face à l’intervention inattendue de l’intruse, le mien dessinait plutôt une certaine gêne, d’être perturbé dans un combat qui met autant de choses en jeu. Un autre être insignifiant venait interférer dans mon duel de force. Encore même que la personne en question, était une femelle.

Si dans les glorieuses terres Val, les guerrières étaient aussi fréquentes que les guerriers, elles représentaient la tactique et la malice pour atteindre leurs fins. Mais de ce que j’avais vu jusqu’ici, les femelles n’étaient pas un danger – référencement fait chez la femme qui m’avait conduit ici. Ainsi donc, celle qui était sur les escaliers ne faisait qu’essayer de me mettre en colère. Étrangement, cela avait provoqué l’effet attendu.

- Occupe-toi de ce qu’il te regarde misérable. Ainsi tu vivras plus longtemps.

L’avertissement avait été donné certes, mais la veine de colère qu’elle avait provoquée, n’avait pas disparu de ma tempe gauche. Répondre ou bien intervenir une fois seulement, allait simplement amener l’enragé que j’étais, à bondir sur l’intruse tel un félin monstrueux qui ne voulait que désosser sa proie. Ainsi donc, je la tenais à l’œil pour le moment.

Il était bien connu que la provocation était le premier pas d’un chemin tortueux qui débouchait sur combat sans précédent. Cette confrontation dans ce cas-là, n’allait se terminer que sur la victoire de l’un et la mort de l’autre. Depuis un peu plus d’un siècle, c’était à ce rythme que je vivais, et aujourd’hui, en la jeune femme qui se permettait de s’immiscer en pleine confrontation opposant deux individus, je voyais une future victime de ma colère. La veine de colère qui naquit sur ma tempe à l’écoute de la voix de cette femelle, gonflait périodiquement au rythme de la pression de mon sang. Le seul iris que je possédais, fixait depuis le véritable centre de mon œil la perturbatrice qui approchait non pas sans faire preuve d’une nonchalance digne des plus grands artistes. Ces artistes qui très souvent mourraient par centaines à la fin de leurs spectacles à cause des représailles de leur auditoire.

« Tu n’as pas l’étoffe d’un guerrier »

Ma veine se prolongea le long de mon front, pour atteindre légèrement les alentours des yeux, mon faciès dessinant toujours les traits d’une stupéfaction face à son attitude. Comprendre un tel niveau de folie demandait beaucoup de temps, et beaucoup de patience. N’ayant ni l’un, ni l’autre, ce que mon iris percevait donc, était une jeune suicidaire, qui avait soudainement envie de passer de l’autre côté du voile, sans dire au revoir à ses proches, comme tous ceux qui se sont prêtés aux mêmes jeux qu’elle.

« Mais celui d’une lamentable pucelle qui hurle si on ose s’en prendre à sa vertu. »

La veine unique se changea en série de veines vibrantes, qui inondaient mon front, alors même que la stoïcité dont mon visage faisait preuve, se changea doucement mais sûrement en une expression torturée par l’ardeur de la colère. La mâchoire serrée et les dents si grinçantes qu’elles manqueraient de se briser tant j’y mettais de la force, la présence de l’Agent de HOPE s’effaçait peu à peu, ainsi même que l’aura de tous ceux qui étaient autour de moi.

Dans ce milieu qui était totalement repeint en une fresque aux couleurs carmin et bordeaux, une seule personne semblait présente, une seule personne dont les lèvres bougeaient accompagnées des plus grands signes d’insolence que le monde ait pu donner. Et jusque-là, ma patience avait été suffisamment grande – bien que découlant premièrement d’une incompréhension du comportement de la jeune femme.

« Tes poings sont aussi puissants que ceux d’un enfant en bas âge »

Tandis que mon sang, aussi bouillant que les laves du noh’pryô sur les terres Valiennes, parcourait les tuyaux sanguins qui gonflaient de par la célérité de cette circulation, Mon cœur pompait le sang puissamment, tentant de supporter la montée d’adrénaline et de le repousser dans mes muscles combattifs. L’insolente m’avait poussé à un point, où tout retour n’aurait plus été possible. Si de la lueur sauvage qui brillait au fond de mon regard, je ne voyais qu’elle dans cette vaste planète de métal, c’était certainement parce que j’avais fait d’elle la personne à abattre dans un premier temps.

Alors que mon esprit titubait d’un pas inadéquat sur la rambarde qui séparait la raison de la folie meurtrière, j’eus en un seul regard une information qui changea totalement la donne. Depuis les profondeurs perdues du regard de l’hirsute, la lueur assassine que l’on ne percevait que sur des bêtes ainsi que l’odeur légère mais putride du sang étaient perceptible en cette femme. Son âme était corrompue et tâchée à jamais de l’odeur des barbares, des sauvages, des combattants qui ne répondaient plus de rien.

Elle était de ceux-là, qui tuaient, de ceux qui ôtaient la vie sans aucun remord ni aucun scrupule. De toute ma hauteur, je la surplombais du regard, mais je voyais en cette femelle une puissance combative inouïe, qui n’avait rien à voir avec le duo de comiques qui était en face de moi quelques minutes avant.

À cet instant, en affichant un sourire narquois et des yeux qui témoignaient bien qu’elle n’allait pas léser sur la puissance, mon âme exulta dans les cieux les bontés et la reconnaissance de m’avoir permis de rencontrer en ce jour, loin de ma terre natale, un monstre comme moi… Mais certainement pas pire que moi. Et cette différence de nature bien que légère, allait être transmise de la plus cruelle des façons à la fumeuse.

- Il est dommage d’éteindre une telle richesse…. Disais-je dans un calme quasi forcé, qui dissimulait maladroitement ma soif de sang. Mais comme une nature que l’on ne pouvait indéfiniment soumettre à la raison, l’accent remonta plus vite, et ma voix était si forte, qu’on aurait presque cru que j’en avais perdu ma dernière pupille. MAIS TON INSOLENCE A DÉPASSÉ LES LIMITES !!!!

Un cri de rage, qui aurait inévitablement alerté l’ensemble des personnes présentes dans la pièce sonna comme les cloches des portes des enfers, qui allaient engloutir une nouvelle âme aujourd’hui. Mais cela n’était que, un cri d’influence, qui aurait immobilisé ou tétaniser l’adversaire au cas où il serait doté d’un esprit combattif bien léger. Un parfait moyen donc, de vérifier si mes suppositions à son égard, étaient justifiées.

Levant mes mains vers les cieux verticalement et les poings toujours serrés, mes muscles criaient leur réveil, lors de leurs contractions alors même que, tel un puissant maillet, je frappais le sol devant moi de mes deux mains, froissant certainement dans la volée le sol mécanique du vaisseau. L’impact généra un son qui se propagea une fois encore dans toute la salle, alors même que la poussière qui s’éleva depuis la source de la collision, ne permit que de voir, derrière un brouillard blanchâtre et léger, une silhouette nocturne dotée d’un œil luisant aux couleurs des flammes et de la destruction.

Dissipant ce brouillard dans une intervention subite pour venir en face de mon ennemi, les deux bras encore en arrière – porté par mon élan et serrés par la seule force de mes poings – j’étais à deux doigts de lâcher ma colère sous forme de coup à mon adversaire. La première attaque directe et physique, qui portait en plus de ma détermination et de ma colère, la seule ambition d’écraser l’insolence précédemment utilisée.

- GWWRAAAAAAAAAAAA !!!!!

Un cri de guerre, une fois encore, donnant force à mes déplacements et sauvagerie à mes attaques. Mimant la vitesse d’une flèche qui tranchait l’air dans un sifflotement léger, mes bras en un instant se ramenèrent jusqu’à mon ennemi, tentant d’assener un coup puissant et lourd qui aurait sans aucun doute, arraché la tête de mon précédent adversaire – si tant était qu’il n’était guère protégé par son vêtement magique biensur.

Le flux rougeâtre qui fusait dans mes veines au rythme saccadé de ma respiration, témoignait de la puissance de l’attaque que je lâchai à mon adversaire. Un double coup-de-poing qui allait directement entrer en collision avec ce microbe qui avait osé venir se présenter à moi. Mon visage déformé par mes crocs monstrueux, et le nez renfrogné dans cette expression inhumaine de barbarie, l’attaque heurta si violemment la jeune femme, si bien que l’impact dégagea le peu de fumée qui traînait encore dans notre zone de confrontation. Comme un grondement souterrain, l’écho du choc se fit savoir par la plèbe présente. C’était devant tous, qu’ils allaient contempler la conséquence d’un titillement mal placé envers un Drag’far.

Mais contre toute attente, la fierté et la joie intérieure qui résonnaient en moi à la suite de mon attaque, s’écrasèrent bien vite sous le poids de la stupéfaction, de ma consternation. La guerrière n’avait pas bougé d’un pouce, ni même reculé d’un pas. Son iris à la même position, aucun doute n’était perceptible dans sa posture. Mon attaque n’avait pas été évitée, ni même parée, et pourtant, elle était présente, de toute sa puissance et de toute sa résistance. Toute ma véhémence matérialisée sous la forme d’un poing unique, s’était planté sur son crâne, sans rien lui faire.


Face à cet acte guerrier, rempli d’intrépidité, mais aussi de fermeté, mon âme se déchirait entre la joie et la frustration.

La joie d’avoir trouvé une personne qui, même si féminine, avait plus de force que toutes les demi-portions que ce monde, Hope, pouvait réunir.

Ou encore la frustration, issue du fait que devant une personne pareille, la force de mes années d’entraînement avaient été d’une profonde inutilité.

Le filet de sang léger qui coula depuis le sommet de son crâne, fut la seule marque qu’elle reçut d’une attaque mortelle. Elle était donc, habituée à la douleur, à la frayeur. Aucun doute possible, c’était un monstre également.

-…

Rien. Aucun son ne jaillissait de mes lèvres à ce moment-là, pour la simple raison que mon esprit baignait dans un océan d’incertitudes et de doutes. Qui était-elle ? Venait-elle de Val ? Pourquoi n’avais-je pas entendu parler de cette démone aux yeux sanglants ? Comme pour éclaircir la situation actuelle, une voix s’échappa des lippes de la femelle, m’indiquant sans vergogne ni bien séance, que mon attaque manquait de puissance. Je pouvais toutefois le noter également à la douleur que mes phalanges me communiquaient fidèlement. Loin d’être l’œuvre d’une quelconque combinaison magique, cette peine provenait de la dureté de son crâne, de ses os. Il fallait donc reconnaître à ce moment-là, que la force dont je vantais tellement les mérites, venait tout juste de trouver sa limite, mais….

Plutôt mourir que reconnaître mon infériorité face à une pareille insolente.

Ma main s’écarta de sa tête, après quoi, comme un monstre enragé, je fis avancer ma tête, mettant en avant mes crocs pour observer du fond de mon œil unique, celui de la jeune femme. Les muscles serrés et les dents grinçant ma colère, il n’aurait pas été étonnant d’apercevoir une légère couche de vapeur s’échapper de mes pores. En si peu de mouvements, une incroyable quantité d’énergie avait été évacuée, conduisant donc à la fonte des aliments récemment consommés. Seulement à partir de là, on pouvait très aisément déterminer quelle était l’alimentation d’un monstre de mon envergure. Suite à cette stratégie d’intimidation, je me redressai pour me mettre en posture droite, levant volontairement le menton pour surplomber – du regard comme de la taille – l’hirsute qui détenait toujours son bâton à la bouche

- Tu es bien plus puissante que la grande majorité des misérables larves qui peuplent ce monde. Tu as survécu à une de mes attaques directes, et cela force le respect… Quel est ton nom, femelle ?

Mes sourcils bien que froissés par la colère de l’échec de ma tentative, l’âme guerrière qui était en moi, me poussait à l’extrême, en m’amenant à déterminer l’identité de cette personne, de ce monstre, qui semblait venir d’un monde similaire au mien.