Examen physique

Présent sur le vaisseau depuis finalement très peu de temps, j’allais déjà me confronter à des tests d’aptitude, misant alors sur le physique avant tout, puisque mon état actuel rendait difficile la manipulation de ma brume. Hier, dans la soirée, Kamin s’était occupée de m’inscrire aux tests du lendemain, sans forcément mon consentement cela dit, et de remplir quelques papiers, bien désolée de voir que j’avais quelques problèmes pour lire de si petits caractères et les reproduire proprement, préférant donc le faire à ma place et me consulter pour savoir quelle information renseigner. Prenant alors en compte un départ matinal, je m’étais couché plutôt tôt, et le moment du réveil venu, m’étais dépêché pour finalement arriver dans les premiers sur les lieux où le test du jour allait se dérouler.


Je pouvais alors contempler une grande diversité parmi les nouvelles recrues, bien que je demeurasse, ici comme bien ailleurs sur le vaisseau, le plus grand de la masse, laissant mon crâne siéger bien au-dessus de ceux des autres. Nous étions relativement nombreux, me disais-je, tous de la bleusaille, et tous présents pour la même raison. Cependant, nous n’allions pas partir tous ensemble sur le même peloton, et il fut très vite décidé que nous serions séparés selon des critères de taille et de masse.


Je me retrouvais alors dans les poids lourds, enfin, relativement lourds, puisque j’étais le plus massif à vue d’œil. D’un regard, je voyais que nous étions finalement d’origines très variées, entre des Démons, des gens des peuples, des sortes de Monstres… De toutes les couleurs, et avec de bons écarts de taille, bien que l’on pût tous se dire parmi les plus grands lorsque nous nous promenions dans les rues au cœur de HOPE. Sans m’attarder plus que cela sur la forme, je pris exemple sur la majorité pour laisser de côté ce qui s’avérait encombrant : en l’occurrence, ma jarre, que je posais délicatement sur le côté avant de m’avancer parmi mes camarades aspirants agents.


Malgré mon attention, il m’arrivait alors de bousculer l’une ou l’autre recrue, mais au moins, ce ne sont pas eux que j’aplatirais en les piétinant, puisque certains n’était pas si loin de mon gabarit : nous étions les plus imposants, après tout. Je pus alors voir bon nombre d’entre eux changer de tenue d’un simple geste, souvent pour des choses plus moulantes, plus légères, mais de mon côté je n’en fis rien, étant trop attaché à mes habitudes et ne voyant alors pas d’inconvénient à cela.


C’est alors que le décor fut mis en place lorsque nous fûmes amenés à avancer dans le générateur de simulation. Isolés des autres pelotons, nous nous retrouvâmes plongés dans une manifestation de lumières dansantes qui fit se changer les environs de manière spectaculaire en un grand décor, vaste, inspirant un parcours du combattant à venir. Il s’agissait d’une prouesse des gens de HOPE, qui créait un décor changeant au gré de l’examinateur, tantôt un espace de jungle dense et humide, tantôt une ville en ruine menaçant de s’effondrer, tantôt le cœur d’un volcan. Rien n’inspirait la confiance, clairement, et l’on se sentait déjà en terrain hostile, pour mon plus grand plaisir.


Le but n’était clairement pas de se suicider, et de toute manière, ce n’était qu’une simulation, une illusion comme m’avait répété mon esprit au poignet comme pour s’assurer que je comprenne bien de quoi il en retourne. Pour le moment alors, pas d’enjeu réel, pas de course-poursuite, de test, juste un échauffement : on nous donnait carte blanche pour évoluer dans le milieu de simulation librement et nous familiariser un peu avec le tout, disant que beaucoup ici, moi y compris, n’était pas familiers de ce genre de processus, et apprécieraient sûrement, à raison dans mon cas, d’avoir un peu de temps pour découvrir comment cela se passait. Voyant l’opportunité comme bienvenue, je m’élançais alors, entamant ma course au niveau de la jungle où je me tractais le long des arbres gigantesques dont je ne pouvais voir les cimes, sautant déjà de branche en branche, bien décidé d'utiliser à bon escient ce petit temps de préparation que l’examinateur nous offrait.

J’avais pu remarquer une forte présence de Démons, depuis mon arrivée chez HOPE, de toutes tailles, de toutes formes, et de bien des couleurs. Chacun semblait si différent des autres, mais surtout bien peu similaire par rapport aux créatures de chez moi. Mon esprit au poignet me répétait souvent qu’on parlait plutôt de machine, qu’il s’agissait d’êtres artificiels créés pour servir, tout comme elle l’était, et ainsi de suite, mais il est difficile de chasser les idées fixes d’un vétéran de mille chasses, et je ne voyais là que ce que j’appelais Démons, quand bien même ces derniers semblaient plus pacifiques que ceux que j’avais connu.


J’en avais justement repéré l’un ou l’autre, parmi les recrues, mais surtout un avant tout, qui fut classé dans ma catégorie. Sa taille et son volume relatifs, une fois comparés aux autres participants des poids lourds donc, semblaient tout juste le faire passer chez nous, et auraient très bien pu lui valoir, à défaut d’être parmi les plus fins ici, d’être parmi les plus grands de la catégorie inférieure. Cependant, je gardais bien en tête qu’il était tout de même plus imposant que bien des peuples que j’avais, jusqu’ici, observé dans la station. Je l’aurais alors bien appelé « Démon des peuples », du fait qu’il n’avait aucun trait monstrueux, une apparence très humaine, et des coutumes visiblement très proches des peuples, justement, mais soit, ce n’était qu’une observation furtive pour le moment.


Il ne resta alors pas que le souvenir d’une vision passée, puisqu’il sembla m’emboîter le pas lorsque j’entamai mon échauffement, démontrant une grande agilité qui en aurait épaté plus d’un. Malheureusement, son habileté avec les mots au cours de son discours qui suivit, une fois arrivé à mes côtés, ruina le potentiel charisme que sa prestation physique lui avait précédemment fait gagner, lorsqu’il me lança une espèce de pique à l’égard de ma taille. Je laissais sans broncher s’échapper un grognement antipathique tandis que Kamin prit la parole.


- Le matricule HO-6037 est peut-être grand ici, mais reste à peine sur le dessus des standards de sa région d’origine. Sa taille et sa masse corporelle ne sont le fruit d’aucun artifice.


Ma situation était donc résumée : c’est bizarre ici, mais ma taille est tout à fait normale selon mes origines propres. Je ne fis cependant pas l’affront de retourner la question en demandant quel genre de Démon, il était, puisque je savais pertinemment que mon « IA » répondrait avant lui et me rappellerait une fois de plus la définition d’un androïde, mot que je n’avais toujours pas adopté bien que je sache de quoi il en retournait, à force de répétition. J’allais alors poursuivre mon échauffement, peu décidé à perdre plus de temps en discussion, quand je vis une sorte de manifestation spectrale danser dans les airs en hurlant avec vigueur son entrain pour les tas de poils, ce qui m’arracha une grimace de plus…


- Il serait bon de ne pas perdre plus de temps, la durée d’échauffement avant les tests étant très limitée. Si vous souhaitez vous entretenir avec le matricule HO-6037, libre à vous de le suivre et de poursuivre votre « conversation ». Cela dit, nous pouvons très bien la reporter à plus tard si l’urgence ne se fait pas sentir.


Mon esprit au poignet déclara très bien mes intentions, et je ne fis pas preuve de plus de cérémonie avant de reprendre ma course. Libre alors à l’inconnu de me suivre s’il voulait mener plus loin ses « bonnes idées » du jour, sans quoi, s’il n’est pas pressé donc, il pourrait très bien attendre les tests à venir, et éventuellement leur fin pour faire connaissance.

Le démon était donc bien plus respectueux que l’esprit, et compris vite quelle gêne l’irruption de la « demoiselle spectrale » aurait pu créer, si elle avait eu le malheur de tomber sur quelqu’un de plus sanguin que moi. Soit, je supposais qu’il s’agissait du même genre de relation entre eux deux qu’entre moi et Kamin, ce qui me paraissait vite plutôt amusant du fait que dans leur cas, le porteur avait l’air de contenir cette « IA », et non l’inverse… Quoi qu’il en soit, j’adressais un mouvement de tête approbateur à sa remarque, le remerciant silencieusement d’être si compréhensif.


Comme beaucoup l’auraient fait, il comprit vite qu’il allait converser avec mon esprit au poignet et non avec moi en restant sur le moment, et sembla trouver bien plus plaisante l’offre de remettre notre conversation à plus tard, après le test donc, pourquoi pas, me laissant à mes échauffements pour le moment, à ma plus grande satisfaction puisqu’en le voyant s’élancer au loin, j’en fis de même de mon côté, me familiarisant avec ce nouveau milieu pour ce jour-ci, et mettant mes muscles dans l’ambiance pour la suite, prêt à démontrer de quel bois je me chauffais à ceux qui jugeaient bon de nous mettre à l’épreuve en ce jour.


Pour la suite, nous n’avions donc plus qu’à nous confronter à une série de compétition d’obstacles, le choix du jour s’étant porté sur du parcours en terrain hostile, une version améliorée de ce qu’on pourrait visualiser à l’entrée d’armées ou de factions de mercenaires, certainement du fait de la technique de modélisation disponible ici. Le tout était alors impressionnant, entre les aléas de terrain à éviter, le paysage qui défilait pour alterner brusquement entre deux décors, et le tout donnant l’impression d’une course contre la montre forçant à braver un défilé de dangers à la suite…